Pour sa 1ère saison en World Tour UCI, l’équipe Arkéa-Samsic peut compter sur ses coureurs d’expérience. Parmi eux, Maxime Bouet, l’un de ses capitaines, raconte ses premiers mois au plus haut niveau du cyclisme professionnel, sa relation avec Emmanuel Hubert et son envie de transmission.
Tu as été embêté en ce début de saison pour raisons médicales. Comment te sens-tu ?
Je prends mon mal en patience. Ce sont aussi les joies d’être parent (rires). J’ai enchaîné les maladies et la résilience est le maître-mot de mon début de saison. Il n’y a que lors de la course La Marseillaise où j’ai eu l’impression d’être réellement à mon niveau. J’aurais dû être au Tour de Romandie mais faute d’être à 100%, la direction sportive a préféré me préserver. Dans le sport, tu as parfois du mal à te freiner mais c’est essentiel si tu veux revenir plus vite. J’aurais dû me reposer immédiatement et malheureusement, j’ai perdu deux mois. C’est une erreur de ma part.
Quelles sont tes ambitions pour cette saison ?
Avant tout, je veux revenir en forme. Je sais ce que je peux apporter à l’équipe Arkea-Samsic et aussi ce que je ne peux plus faire. Pour performer et aider l’équipe du mieux possible, je dois déjà retrouver du rythme et ça passe par l’entraînement. Ensuite, l’objectif est d’être prêt pour le Giro. C’est forcément un moment particulier de la saison puisque c’est la première fois qu’Arkéa-Samsic y participe. Pour ma part, ça va sans doute être un peu dur lors des premiers jours mais l’idée est de monter en régime au fur et à mesure de la compétition.
Tu fais partie des coureurs expérimentés de l’équipe (36 ans). Te gères-tu différemment avec l’âge ?
Complètement. J’ai quasiment fait toutes les courses au monde et à force, tu connais les routes et les passages où il faut temporiser, et ceux où il faut se faire violence pour se placer. Avec l’expérience, tu apprends à gérer ces moments-là. Tu sais les erreurs que tu ne dois pas faire et les coups tactiques que tu peux tenter.
Un mot sur Kévin Vauquelin, avec qui tu t’entends très bien…
Je suis très heureux d’être avec un jeune comme ça. Il me pose plein de questions et je me sens un peu comme un grand frère avec lui. À chaque fois que j’ai été à ses côtés en compétition, il a gagné. J’essaie de le déstresser et je lui explique à quel moment il doit se calmer pendant les courses. Les « anciens » coureurs te permettent d’assimiler tous ces petits détails et je suis convaincu que c’est un vrai plus. J’ai la chance d’avoir fait de bons résultats plus jeune et j’ai appris de mes courses.
Comment se passe la transmission avec les jeunes coureurs ?
Je trouve qu’il y a de moins de moins de jeunes à l’écoute sur le circuit. Pourtant, je suis persuadé que c’est un luxe de pouvoir être entouré par des coureurs d’expérience. Avec les réseaux sociaux notamment, ils ont accès à tout un tas de données et ils arrivent avec plein de certitudes. Le cyclisme est un sport difficile et tu dois parfois faire 99% de sacrifices pour 1% de plaisir, mais ça en vaut la peine. Il faut leur expliquer et le coureur aguerri doit être en mesure de leur inculquer ça. Accepter la difficulté pour se faciliter les choses ensuite. Tom Steels, que j’ai eu comme entraîneur, m’a un jour dit cette phrase très juste : « En cyclisme, ça demande du courage d’en faire moins ». Je trouve que c’est très révélateur de la difficulté de notre sport. Mon rêve : transmettre et redonner ce que j’ai appris dans ma carrière.
Quelle est ta relation avec Emmanuel Hubert, le manager général ?
Il y a mon père, mon beau-père et Emmanuel. C’est une immense chance d’être tombé un jour dans sa vie. J’ai d’ailleurs une sacrée anecdote le concernant. À mes débuts, quand j’étais encore en amateur, je participe au Rhône-Alpes Isère Tour où il y avait l’équipe Agritubel. Le dernier jour, Manu vient me voir me dit : « Sache que je te suis et que si tu confirmes sur quelques courses, je te prends comme stagiaire dans l’équipe ». J’ai la chance de confirmer et Emmanuel me prend comme stagiaire au Tour de l’Ain. Je fais le tour de l’Ain où je tourne bien, malheureusement, il y a un autre stagiaire avec qui je suis en concurrence. Emmanuel m’appelle et me dit qu’il est embêté car il est le seul à vouloir me garder. Pour nous départager, il nous aligne sur deux courses et le meilleur continue avec Agritubel. En raccrochant, je me suis mis à pleurer car je pensais ne pas passer professionnel. Le soir même, la Caisse d’Epargne m’appelle et propose de me prendre. Je réserve ma réponse en attendant les deux courses. Finalement, le stagiaire avec qui je suis en concurrence lâche alors que je parviens à performer. J’ai donc refusé la Caisse d’Epargne pour rejoindre Agritubel où je passe pro. Je dois beaucoup à Emmanuel et il est toujours de bon conseil.
Quelles sont tes ambitions pour le Giro à venir ?
Quelle que soit la course, mon objectif est de remplir la tâche que mes dirigeants me donnent. Je vais apporter toute mon expérience sur ce Giro. Il y a des spécificités sur cette course que tu ne trouves nulle part ailleurs, et c’est seulement en l’ayant faite que tu peux les connaître. Mon rôle est d’accompagner l’équipe, sur la route comme dans l’extra-sportif. Tout ça est important et je suis épanoui dans ce rôle. Il faut avoir conscience de son niveau et de celui de la course. L’important, ce n’est pas que Maxime Bouet gagne mais que la team Arkéa-Samsic gagne. Parfois, tu peux t’économiser sur la première semaine pour gagner des étapes à la fin. J’ai prévenu les gars qui viennent en Italie qu’il faut faire très attention. Contrairement au Tour de France, où les routes sont refaites la veille, il y a beaucoup de nids de poules sur le Giro. Récemment, je parlais avec un coureur qui avait fait la Vuelta et qui me confiait être serein pour le Giro. Si tu n’as jamais disputé le Giro tu ne peux connaître les particularités de cette course, et il suffit d’une erreur d’inattention et tu retournes à la maison.