Actuellement à la recherche d’un nouveau défi, l’ancien capitaine des Lions Indomptables du Cameroun, 37 ans le 20 mai, est revenu pour Rennes Sport sur sa riche carrière. L’évolution du football, son après-carrière ou sa formation au Stade Rennais, aucun sujet n’est éludé, non sans quelques anecdotes savoureuses.
Que deviens-tu aujourd’hui, neuf mois après ton départ en Turquie ?
Je suis en attente d’un nouveau challenge car je viens de résilier mon contrat avec Tuzlaspor. J’ai encore envie de jouer donc je reste prêt afin de retrouver les terrains rapidement. En parallèle, je suis en train de passer des diplômes dans un autre domaine que le football.
Quel regard portes-tu sur ta carrière ?
Humainement, j’ai vécu et je vis toujours quelque chose d’exceptionnel. J’ai eu la chance de rencontrer de gens avec des cultures différentes. Ce métier de joueur de football, c’est une expérience magnifique et j’ai découvert des choses incroyables. J’ai pas mal bougé, en fonction des opportunités. Par exemple, quand je signe à Marseille, je devais aller au Real Madrid ou à Everton. Et quand je quitte l’OM pour m’engager avec les Queens Park Rangers, je devais initialement signer avec Arsenal !
Tu as été formé à Rennes (2003-2009). Quel souvenir gardes-tu du centre de formation ?
Sincèrement, c’était exceptionnel et je n’en garde que du positif. Ça m’a permis d’avoir une certaine éducation. J’ai emmagasiné de l’expérience, compris les sacrifices nécessaires pour devenir un joueur de haut niveau et tout cela m’a fixé dans ce que je voulais faire par la suite. L’entraîneur de la réserve de l’époque, Landry Chauvin, m’a beaucoup apporté, tout comme Philippe Barraud, chargé du recrutement et qui a accepté que je vienne à Rennes. Et je n’oublie pas Estelle, qui m’a appris à faire à manger ! Je me souviens que j’allais à l’entraînement à vélo, et un jour, Papakouli Diop a percé ma roue… J’ai dû faire du stop pour me rendre à l’entraînement (rires).
À ce moment-là, tu arrives du Cameroun. Comment s’est passée ton acclimatation à ce nouvel environnement ?
Forcément, l’éloignement avec ma famille a été difficile, mais le club a tout fait pour que je me sente bien dès mon arrivée. Ils ont fait en sorte que je puisse communiquer avec mes parents régulièrement, et Patrick Rampillon m’a immédiatement mis un téléphone à disposition. À Rennes, je suis comme à la maison. Après, tout s’est fait très vite et j’ai signé mon premier contrat professionnel seulement deux ans après avoir rejoint le centre de formation. J’ai à peine eu le temps de savourer tout ce qu’il m’arrivait mais j’en garde des souvenirs très forts. Lors d’un match entre la réserve et l’équipe première, je marque et je pars célébrer en dansant, autant dire que ça a fait bizarre à tout le monde (rires). Pareil, lors de ma première séance d’entrainement avec les professionnels, où je vais tacler Yoann Gourcuff qui était la pépite du club. J’ai dû apprendre à me canaliser, mais j’ai eu la chance d’être très bien intégré par des joueurs comme Cyril Jeunechamp, Olivier Sorlin, Alexander Frei ou Olivier Monterrubio.
En parlant du Cameroun, as-tu suivi le parcours des Lions Indomptables pendant la dernière coupe du monde ?
Oui, évidemment. Je suis convaincu que l’équipe nationale a encore une bonne marge de progression. Ils auraient pu mieux gérer la situation avec le gardien (ndlr : André Onana, écarté du groupe pendant la coupe du monde et annonçant sa retraite internationale quelques semaines plus tard). Ce sont des détails qui perturbent évidement un groupe et je suis persuadé que le Cameroun aurait pu aller plus loin dans la compétition.
Comment juges-tu l’évolution du football africain ?
Il faut noter que le Maroc fait un travail exceptionnel depuis dix ans. L’entraîneur a fait un boulot incroyable en interne et il a réussi à créer une bonne relation avec les joueurs. Les autres nations africaines doivent s’en inspirer et surtout, elles peuvent aussi le faire. Il y a beaucoup de talents en Afrique qui ne demandent qu’à éclore. Il faut continuer à construire des centres de formation et améliorer les infrastructures pour faciliter l’explosion des jeunes. Certes, le Cameroun s’est qualifié à la coupe du monde aux dépens de l’Algérie, mais dans un autre contexte, j’aurais vraiment aimé voir les Fennecs disputer cette compétition, car je pense qu’ils auraient pu faire un beau parcours. Globalement, je trouve qu’il y a une vraie évolution dans le football africain et je n’ai pas été étonné par la qualification du Maroc en demi-finales. Je crois même qu’il pourrait y avoir d’autres surprises dans les années à venir.
Pour revenir à Rennes, es-tu encore en contact avec des joueurs de l’époque ?
Oui et avec pas mal d’entre eux d’ailleurs ! J’ai régulièrement des nouvelles de l’ancien coach de la réserve, Landry Chauvin. Sinon, je suis aussi encore en contact avec William Stanger, Aurélien Montaroup, Arnold Mvuemba, Jimmy Briand, Étienne Didot, Frédéric Piquionne ou encore Jonathan Bru, pour ne citer qu’eux. Je me souviens d’une anecdote de vestiaire. C’était pendant la période avec Kader Mangane et Asamoah Gyan. À chaque fois que Kader arrivait à l’entraînement, il mettait des gros tacles à Asamoah et quand nous rentrions au vestiaire, celui-ci me disait : « Il veut me tuer ou quoi ? ». Ensuite, il essayait de faire comprendre à Kader qu’il devait y aller plus doucement à l’entraînement (rires). Nous avions vraiment une super équipe avec beaucoup de talent. C’était un plaisir d’évoluer avec ce groupe.
Que penses-tu de l’évolution du club ?
Honnêtement, c’est une suite logique. Il y a un recrutement qui est cohérent depuis plusieurs années et le directeur sportif Florian Maurice fait un super travail en interne, ainsi que Philippe Barraud à la formation. J’ai pu voir les différents changements et les installations sont incroyables. Tout s’est professionnalisé à l’image des grands clubs et il y a une recherche de perfection à tous les niveaux. Maintenant, il faut être patient. Il y a un rouleau compresseur qui est en marche et le club continue de grandir.
Es-tu revenu voir des matches à Rennes ?
Je suis venu au Roazhon Park lors du dernier Rennes-Strasbourg, avec une belle victoire rennaise (3-0). Ça m’a permis de discuter avec pas mal de monde. Il y a de très bons joueurs, notamment chez les jeunes. Pour moi, il n’y a pas photo, le Stade Rennais est le meilleur club formateur. Quand tu vois le nombre de jeunes talents qui sont sortis sur ces dix dernières années, c’est assez phénoménal et surtout, ce n’est pas dû au hasard. C’est un travail de fond qui est récompensé et c’est l’essence même du club.
Quel est ton rapport avec les journalistes ? Pouvais-tu te lier d’amitié avec certains d’entre eux ?
Pas forcément lors de ma première année professionnelle, mais ensuite oui, sans problème. J’étais pote avec tout le monde. Dans le milieu du football, il faut pouvoir accepter la critique et ça permet aussi de te corriger. Au travers de mes nombreuses expériences à l’étranger, j’ai découvert des façons de faire très différentes et où les critiques sont parfois extrêmement dures et régulières. Il faut apprendre à composer avec, sans quoi tu n’avances pas.
Que penses-tu des réseaux sociaux, qui n’existaient pas à tes débuts…
Sincèrement, je pense que c’est dangereux pour les footballeurs et plus généralement pour les sportifs de haut niveau. Il y a maintenant des entreprises qui s’occupent de la communication des joueurs et je crois qu’il vaut mieux leur laisser la main. Je ne pense pas que ce soit utile de vouloir gérer ça soi-même.
De ton côté, il y a eu cette vidéo lors de ta présentation à Fuenlabrada qui a pas mal fait réagir. Peux-tu nous en parler ?
Il y a eu une incompréhension avec le club (à savoir une vidéo de présentation avec une musique pour le moins inappropriée, ndlr). Ils ne m’ont pas consulté avant de la mettre en ligne. Pour l’anecdote, c’est un journaliste de l’équipe qui m’a appelé pour me prévenir, en me demandant si j’avais vu la vidéo de ma présentation. Dès que j’ai été mis au courant, j’ai appelé le club pour modifier ça. Ils se sont excusés et ont supprimé la vidéo, avant d’en mettre une autre avec une musique différente…
Quel est ton avis sur la VAR ?
J’ai connu le football avec et le football sans, et au final, je ne suis pas pour. Ça gâche les émotions, tant pour les joueurs que pour les supporters. Le pire, c’est au moment des buts. Le joueur marque, il commence à jubiler, mais après il doit attendre pour vraiment le célébrer. Ça crée un double effet entre la joie et la prudence. Surtout, ça enlève tout le côté instantané. Quand le but est finalement validé, tu célèbres une seconde fois, mais forcément, ça perd en intensité.