Extrait JRS62- Hand- CRMHB : Romaric Guillo : « Aujourd’hui, je m’éclate, avec la sensation d’être épanoui comme jamais »

Avec sa prolongation de deux ans, il est l’un des gardiens de la galaxie CRMHB avec Romain Briffe et Sylvain Hochet. S’il était bel et bien l’un des super héros, « Menhir » irait parfaitement, compromis de robustesse, de fiabilité et de Bretagne. Son métier, l’avenir, la transmission, le patron de la défense cessonnaise se livre sans filtre !

Avant Noël, tu as prolongé de deux ans avec Cesson, alors que ton contrat expirait en juin. Quel est ton sentiment ?

C’est une vraie satisfaction. Mon souhait, même s’il y a eu des sollicitations très intéressantes et plus importantes financièrement, était avant tout de rester ici. Ça a toujours été mon choix et je suis vraiment content de prolonger avec mon club de cœur, où j’ai été formé. On doute toujours, on ne sait jamais ce qui peut arriver entre les blessures ou les méformes. Quand je suis rentré « à la maison » après la Pologne, pour moi, il était clair que je souhaitais terminer à Cesson.

Cela signifie que tu raccrocheras en 2025, à l’issue de ces deux nouvelles années ?

Normalement, oui, c’est ce qui est prévu. J’aurai 34 ans dont 18 consacrés au handball, sur un poste qui laisse peu de répit, où l’on prend énormément de coups. Ok, on en donne aussi mais il sera temps alors, sauf imprévu à ce jour, de passer à une autre vie. Parfois, les lendemains de matchs, on descend l’escalier doucement, très doucement (rires) !  J’aime dire que je suis un vieux jeune mais aussi un jeune vieux et une autre vie professionnelle d’une trentaine d’années m’attend derrière. Je dois être en forme ! J’ai cette chance de me sentir au top et de pouvoir choisir la fin, c’est plutôt une chance. A moi d’en profiter pour aller le plus haut et loin possible avec Cesson.

Considères-tu être dans l’une de tes meilleures saisons, à titre individuel ?

Il est forcément compliqué de comparer une saison ou l’autre car les contextes, les coéquipiers, le championnat ne sont pas les mêmes. Les objectifs ou ambitions non plus mais ce qui est certain, c’est que je me sens au top physiquement, dans mon handball et dans la tête. J’aime ce groupe, je m’y sens super bien et aujourd’hui, le fait de transmettre, de guider et d’aider les jeunes le désirant est un vrai plus, qui conforte le statut de leader inhérent à l’âge mais aussi au caractère. Avec ce groupe, je me régale, je suis libéré. J’ai la sensation d’être épanoui comme jamais et de pouvoir encore faire mieux, avec deux ans et demi devant moi pour cela ! Titiller les places européennes, conforter Cesson dans ces eaux au classement, c’est un challenge très excitant, que l’on a envie de mener tous ensemble. En 2025, nous serons sans doute plusieurs à arrêter, ce sera une année charnière pour beaucoup d’entre nous mais aussi sans doute pour le club. Nous savons ce qu’il y a à faire pour y arriver dans les meilleures conditions possibles.

« J’ai rapidement compris qu’il fallait aussi entraîner la tête »

Comment garde-t-on fraîcheur et motivation après avoir notamment connu la Ligue des Champions et le top niveau européen avant de revenir au seul championnat ?

Chaque saison et chaque défi contient son lot de motivation, d’adrénaline. Que ce soit à Nantes ou à Kielce, j’ai joué la Ligue des Champions, connu une pression et des moments de fous, intenses comme pour un maintien, il y a deux ans. J’ai aimé les maillots que j’ai représentés, toujours été à 200 %. Cesson, néanmoins, c’est mon club formateur et prendre part à la formidable histoire que nous écrivons depuis un an et demi, avec un public qui répond présent, avec de superbes résultats, c’est intense, c’est fort. Notre raison d’être sportifs de haut niveau, c’est de gagner, de partager les émotions, les combats qu’offre le handball. Et pour cela, le mental, ça se travaille…

Comment t’y prends-tu ?

J’entraîne mon corps physiquement depuis seize ans, chaque jour, et j’ai rapidement compris qu’il fallait aussi entraîner la tête. Je travaille avec Gérard Vaillant, préparateur mental, depuis près de six ans et il m’a apporté beaucoup de choses, de force, de réflexion sur la performance, le sport mais aussi le quotidien. C’est un vrai plus pour le sport de haut niveau et je pense, c’est mon avis, que les staffs des sports de haut niveau, notamment collectifs, devraient en avoir un comme ils ont aujourd’hui tous ou presque des préparateurs physiques.

Ta relation, justement, avec Thibault Minel, préparateur physique du CRMHB est importante…

C’est bien simple, j’ai donné les « clés de mon camion », mon physique, à Thibault et je me suis rarement senti aussi bien ! Il sent le handball, a joué, connait les problématiques et les contraintes, ce que nous, les joueurs, ressentons. Franchement, il est doué, très doué et pèse lourd dans la balance de nos bons résultats depuis un an et demi. J’ai une confiance aveugle en lui.

On te voit efficace en attaque, leader de défense mais aussi leader de vestiaire. Quelle relation entretiens-tu avec le coach, Sébastien Leriche ?

On m’a longtemps catégorisé comme défenseur exclusif mais les chiffres montrent que je suis aussi capable d’attaquer, y compris sur nos remontées. Je travaille, je bosse tout cela et ça paye cette année. J’espère que cela va durer en 2023. Pour ce qui est du leadership, j’essaie d’apporter de ce que j’ai vécu auparavant, de partager. Avec Sébastien, nous sommes dans une relation de confiance. Sylvain Hochet et moi avons ce rôle de relais auprès de lui avec le groupe, nous pouvons nous dire les choses avec franchise, avec toujours cet objectif d’en faire bénéficier l’équipe.

« Les sportifs de haut niveau ont aussi le droit de devenir pères, avec ce que cela comporte »

Tu nous l’as annoncé, ce sera fini en 2025. Quel regard portes-tu sur ta carrière et as-tu des regrets ?

Ce n’est pas terminé, je compte bien finir très fort. Nous voulons continuer cette progression, régulière. Sur ma carrière, franchement, que dire ? Jeune, je n’imaginais pas un instant faire un match en pro… Alors, une carrière… David Christmann m’a fait confiance puis j’ai bossé, beaucoup bossé. J’ai ensuite connu Thierry Anti, le HBC, la Ligue des Champions puis Talant Dujshebaev avant de terminer dans mon club formateur, c’est top. A partir du moment où j’ai joué, mon rêve était de disputer un Final 4 à Cologne plus que de revêtir le maillot de l’équipe de France. Je n’ai aucun regret quand je ne suis pas celui qui décide et j’ai été gâté, vraiment, avec de très grands moments. Et je le répète, ce n’est pas fini et je ne suis pas dans la tournée des adieux !

Quels auront été les plus grands sacrifices pour durer et rester performant plus de quinze ans ?

C’est un bonheur de vivre, et de très bien vivre, d’un sport, d’une passion. Je suis très heureux d’être handballeur et je ne veux pas parler de sacrifices, le terme n’est pas adapté. On peut parler de contraintes, oui, celles d’avoir très peu de vacances avec sa famille, ses enfants. Celle aussi des déplacements tous les quinze jours, qui pèsent à la longue. Dans mon cas, avec deux garçons en bas âge, cela peut me peser. Je suis très famille et parfois, c’est dur de laisser les enfants et ma femme. C’est une chance que j’ai d’ailleurs de l’avoir, elle a toujours tout fait pour nous, s’est adaptée à ma carrière et assure vraiment. Mon choix de prolonger était aussi le sien, celui des enfants, de la stabilité. Quand il a fallu aller en Pologne, nous nous sommes décidés en quelques heures, on a foncé. Aujourd’hui, le projet de vie n’est plus le même et désormais il n’est plus dicté par le seul handball.

La paternité, ses conséquences et contraintes, au haut niveau, c’est souvent tabou. L’arrivée de tes enfants a-t-elle eu des incidences sur ton quotidien de joueur et que penses-tu du sujet ?

Sincèrement, ce ne devrait pas être un tabou. Comme les femmes, les hommes, et les sportifs de haut niveau, aussi ont le droit d’avoir des enfants, de devenir pères. Il n’y pas de loi, chacun réagit différemment et parfois même, d’une naissance à l’autre. Pour Marin, mon premier, je me souviens d’une nuit blanche, de sa naissance le midi et le soir, je jouais contre Saint-Raphaël. Nolwen m’avait dit d’y aller, de jouer, elle voulait se reposer. C’était risqué, surtout dans le fait de ne pas avoir dormi la nuit précédente. Pour Eden en revanche, né cette année quand nous avons reçu Nîmes, je n’ai pas joué et pris la journée. Après, une fois l’enfant arrivé, on s’organise, on aide du mieux possible la maman mais j’insiste, chacun réagit à sa manière, il faut juste intégrer que cet événement touche l’homme avant de toucher le joueur. A titre personnel, cela a changé ma vie, me fait relativiser et savoir ce qui est important. Ma femme et mes fils, ce sont mes murs porteurs. Quand je les retrouve, victoire ou défaite, j’oublie tout.

L’après-handball pour toi est-il déjà décidé ? Te retrouvera-t-on dans le milieu ou totalement sur autre chose ? On te sait guitariste, passionné de chasse sous-marine, amoureux du Morbihan…

Tout est en effet calé, oui. Je fais et ferai toujours de la guitare, j’aime beaucoup cela, je vais essayer de continuer la chasse sous-marine et j’irai vivre dans le Morbihan mais mon projet pour cette deuxième vie qui se profile sera dans l’entrepreneuriat. Hors de question pour moi de devenir entraîneur ou autre, le handball pro, ce sera fini. Donner un coup de main au club du coin où je vivrai, avec les gamins, avec grand plaisir mais pas plus. Je vais me lancer dans l’agro-alimentaire, avec un défi passionnant sur lequel je travaille déjà. Mais avant, je compte bien gagner encore un maximum de matches !