Quand la proposition du REC Rugby est arrivée cet été, le jeune troisième ligne barré à Grenoble n’a pas hésité à rallier la Bretagne et le champion de France de Fédérale Une. Avec l’ambition d’aller se frotter un jour à la Pro D2 mais avant, de continuer de se construire tout en donnant tout pour aller chercher l’objectif avec son club : le maintien !
Si les résultats et le classement n’incitent pas à la franche rigolade cette saison dans les quartiers du Commandant Bougouin, la vie rugby des joueurs rennais ne se résume pas uniquement au rectangle vert. Elle va bien au-delà et se partagent même au quotidien pour certains ! Dans ce cas de figure, Guillaume Cazette, Jacques Thomas-Guénée, Mathis Le Viavant et Luca Di Salvatore se partagent une maison en location, dans Rennes : « On y est bien, il y a de la vie ! Chacun a son espace mais forcément, ça consolide les liens ! », concède le natif de Lagny, en Seine-et-Marne.
A l’école, Luca écrit qu’il veut devenir rugbyman professionnel
Lagny, fief des Di Salvatore, où la maman s’occupe encore aujourd’hui de l’école de rugby où sont passés les trois frangins rugbymans Vincent, Alexandre et le petit dernier, Luca : « Nous sommes une famille rugby, j’ai toujours baigné dedans. A la maison, on se faisait des passes dans le jardin, avec toujours le souci d’être précis, juste. Bon, à l’échelle de gamins, mais quand même. Il y avait aussi quelques plaquages près du fil à linge et des heures à s’envoyer le ballon. On bossait déjà nos gammes ! » Si ses frangins sont trois quarts, Luca, lui, fort d’un beau gabarit, va d’abord évoluer sur la deuxième ligne jusqu’aux U12 avant d’aller sur la troisième ligne. « J’adore la polyvalence. Je peux passer un match à plaquer comme un autre à aller dévorer les espaces. De toute façon, c’est simple, à partir du moment où je suis sur un terrain de rugby, je suis heureux ! » Heureux aussi lors des visites chez « Nona » la grand-mère italienne, dont le livre de recettes inépuisables continue de fasciner son grand gaillard de petit-fils : « Je veux qu’elle m’apprenne tout. Sa cuisine, c’est quelque chose ! J’ai été bercé depuis petit par ça. Ma grand-mère venait du nord de l’Italie, vers Verone tandis que mon grand-père est lui de la région des Pouilles dans le sud. Un mariage Nord-Sud qui fonctionne en Italie, c’est plutôt rare ! Mon père lui est né ici, en France mais la double culture, dans la cuisine mais aussi dans l’importance du partage de moments en famille, n’est pas un vain mot. »
Le rugby et l’Italie, nous ne sommes pourtant pas sur une évidence mais pourtant, le ballon ovale est une obsession pour le jeune Luca, qui note à l’école qu’il veut devenir « rugbyman professionnel ». Un rêve qui commence à prendre les contours d’un projet quand le Racing tape à la porte, à ses 15 ans. Lors de sélections Ile-de-France, tous les joueurs évoluant dans les petits clubs sont invités. Luca participe et se retrouve convoqué pour des tests, ensuite fructueux ! Pourtant, tout ne va pas être simple. La première année est difficile, notamment sur le plan rugby : « Jusque-là, je n’avais pas autant de consignes, de tactique et d’éléments à ingérer. Dans mon club, cela n’avait rien à voir. Au Racing, chaque mouvement, chaque course, chaque ballon est pensé, doit être soigneusement choisi et déterminé. C’était tout nouveau pour moi, il a fallu assimiler, comprendre et intégrer. Ensuite, j’ai été arrêté un moment à cause d’un kyste à la tête. Normalement, c’est quelque chose qui arrive aux anciens… J’ai été opéré à l’hôpital Necker et un mois plus tard, je rejouais. L’accueil des copains à mon retour et la dynamique que je retrouvais m’ont offert des années suivantes épanouissantes, très enrichissantes. »
Arrivé en espoirs, le coach en place impose plus de rigueur encore à ses garçons, les préparant pour un avenir pro. Ce qui sur le coup, rend le rapport humain parfois froid mais très enrichissant : « J’avais été habitué à plus de proximité mais avec le recul, ce fut une expérience ultra forte. Nous nous sommes recroisés récemment et je l’ai remercié. Cette exigence du détail, du haut niveau fiat qu’on aborde au mieux ensuite, ce qu’est et doit être un match. » L’approche mentale du jeu, au-delà des capacités physiques généreuses et solides, thème récurrent à l’esprit de celui qui va alors mettre le cap sur Grenoble, pensionnaire de Pro B, pour y rejoindre le centre de formation sur deux ans et parachever son cursus, avec la perspective de toucher enfin au but par la suite dans le monde pro. Quitter Paris, la famille, Nona et les potes pour le froid isérois ? « J’étais à l’internat, je payais 400 € ma chambre, mon collègue rien car sous contrat stagiaire. Je n’avais pas de statut contractuel et cela pèse. J’ai décidé de partir. Jerôme Vernay m’a appelé, il m’avait eu en sélections inter-poles et les choses se sont faites. »
« Le mot qui ressort, c’est la frustration ! »
A Grenoble, celui qui rate à la même époque la coupe du monde U20 avec l’Italie, pour cause d’annulation du tournoi en raison du Covid, s’adapte et prend ses marques. Avec les espoirs, les performances sont au rendez-vous, tout se passe bien. La semaine, Luca Di Salvatore s’entraîne avec les pros, tutoie son rêve mais une fois les week-ends venus, il y a toujours un petit caillou dans la chaussure : « On me disait “accroche-toi, ça approche, ça va être ton tour. Ce que tu fais est très bien, mais…” »… Mais Arnaud Heguy, coach de l’époque, considère le joueur selon ses dires comme un « peu trop complet »… Dur, en pareil cas, de comprendre, encore plus d’accepter, surtout pour un jeune joueur déterminé.
Parmi les solutions, celles de garder le cap avec l’aide d’un préparateur mental. Le choix de Luca, qui grâce à une professionnelle qui va changer encore un peu plus son jugement sur lui-même : « J’ai travaillé sur la confiance en soi, être capable de rester focus sur les objectifs que l’on se fixe et aussi, être capable d’évaluer ce que l’on fait sans dépendre de l’appréciation qu’en feront les autres. En espoir, je n’avais aucune pression, je jouais libéré mais je me mettais sans doute trop de pression sur mon niveau, sur ce que j’avais à faire et devais faire pour rejoindre les pros. Le travail fait avec elle me sert encore énormément aujourd’hui. »
Faute d’ouverture dans les Alpes, Luca Di Salvatore se résout à regarder ailleurs, pour prendre son envol définitif chez les seniors. Plus le temps de jouer en espoir, l’ambition d’être pro doit trouver écho, et vite. La proposition de Rennes arrive, ainsi qu’une autre en Italie, à Colorno, après des contacts sans suite avec Narbonne, Massy et Chambéry. Le choix est rapide et limpide : « Le projet présenté par le REC était le bon avec la possibilité de reprendre mes études chez Totem avec un BTS MCO, en compagnie de Téo Gazin. »
Rugby, nouvelle région et « coloc’ » très sympa, études, avec un contrat d’un an renouvelé d’une saison automatique en cas de maintien, le deal est posé et le défi à prêt à être relevé. Ce malgré les conditions d’entraînements quelque peu déconcertantes l’été dernier, surtout quand on arrive de Grenoble et encore plus du Racing. Mais pas de quoi décontenancer le Franco-Italien, ni servir d’excuse à une première partie de saison difficile : « Le mot qui ressort, c’est la frustration ! Il y a du gros travail de fait, il y a aussi de la qualité dans notre équipe mais nous n’avons pas su prendre des points qui étaient là comme à Albi, face à Bourg ou encore à Suresnes. On serre les liens, on continue d’y croire et de s’arracher pour aller chercher ce maintien auquel nous devons croire ! Nous devons gommer certaines choses. Lors du dernier match avant la trêve à Suresnes, nous passons je ne sais combien de minutes pour mettre cinq points et prenons une pénalité dès l’engagement… A ce niveau-là, il faut plus que du courage et du caractère, mais aussi et la précision. J’espère que nous allons réussir à enfin nous payer de nos efforts. »
Cela méritera bien une délicieuse recette spéciale REC de « Nona », à partager entre tous à l’issue de la saison dans un festin dont seul le pays de l’Ovalie, de France, d’Italie ou d’ailleurs, a le secret !