Il restera celui qui a vraiment révélé le tube « C’était Loli, c’était Lola » et un guitariste gagnant à être connu. Ce jeune papa de 31 ans est surtout un excellent pilier gauche, capable de jouer à droite, qui après quatre années de bonheur et de victoires au REC, a rejoint le Rheu cet été pour prolonger le plaisir tout en bouclant la boucle.
Trouvée dans un bar de l’arrière-pays de Périgueux, un soir de fête, la jolie guitare aura tenu quelques jours avant de finir dans un feu de joie en bord de Vilaine. La communion de tout un groupe de potes, bien décidés à fêter comme il se doit un titre inattendu mais mérité de Fédérale Une. Au cœur, du groupe, Bastien Le Picaut, 31 ans, chanteur à ses heures perdues mais aussi (et surtout) pilier sur le terrain mais aussi en dehors du XV réciste, avec lequel il passa en quatre ans de la Fédérale 2 à la Nationale, jusqu’à l’été dernier. Une division qu’il ne découvrira cependant pas sur le terrain, le garçon ayant choisi de rejoindre Le Rheu.
Formé aux côtés des Trinh-Duc, Ouedraogo, Fall…
Le Breton aurait sans doute pu poursuivre l’aventure dans la capitale bretonne en National. Mais son choix, simple, honnête, loin d’un quelconque critère sportif, était fait, bien avant la conclusion heureuse du championnat : l’arrivée d’Eliott, son premier enfant, à la sieste au moment de notre entretien : « La donne était simple pour mon couple. Nous voulions ce bébé et à partir du moment où il serait avec nous, le rugby deviendrait tout simplement secondaire. Je ne me voyais pas faire les déplacements, tous les sacrifices qu’engendre le niveau auquel nous arrivions, tout en ayant un nouveau-né à la maison. Je me souviens que l’annonce de la nouvelle aux gars, en janvier, avant un match, avait été un moment fort en émotion. Ma décision n’a jamais été liée de près ou de loin au résultat final de la saison. »
Eliott a tout changé
C’est donc un champion de France de Fédérale Une qu’ont accueilli cet été Martin Lagarde et Julien Marie. Ça tombe bien pour un effectif fort d’une saison passée réussie et souhaitant confirmer, avant d’aller voir plus haut. Pour Bastien, déjà revenu aux sources en 2017 en rejoignant le REC, Le Rheu est probablement la dernière étape d’une carrière riche en expérience et en titres.
Originaire de Pontivy, le joueur y débute avant d’être repéré puis recruté par Vannes, pour le centre de formation. Il y apprend, progresse et finit par être repéré sur des sélections par Montpellier. En 2014, dans l’Hérault, il côtoie les Trinh-Duc, Ouédraogo, Fall et consorts. Il prend même part à une rencontre de Top 14, à Clermont : « Nous avions perdu mais franchement, ça reste un souvenir dingue. A la fin du match, tu serres la main à d’immenses mecs, forcément, c’est inoubliable. J’ai énormément appris là-bas, même si la marche était sans doute trop haute. » Trop de concurrence, beaucoup d’appelés, peu d’élus, Bastien regarde tout cela avec lucidité : « Il y a les top joueurs, les mecs sur qui il n’y a aucun doute, dont on sait qu’ils seront tout en haut, restant à savoir où. Et ensuite, il y a plein d’autres, de très bons joueurs et tout se joue sur le moment, les personnes qui sont là, le contexte. Une carrière tient à peu de choses. Après, les meilleurs savent aussi saisir la chance et durer. » L’aventure Montpellier terminée, le pilier gauche rejoint l’ambitieux Périgueux, mais n’y reste qu’un an, le club échouant dans ses ambitions. Cap ensuite sur Rouen, avec madame, rencontrée à Montpellier. Moins de soleil mais bien plus de sourires, avec deux belles années ponctuées d’un titre, déjà, de Fédérale Une, venu après un titre de champion de France en Jeunes : « Il y avait un super groupe, nous vivions tous dans le même coin, c’était vraiment sympa. » Pour autant, l’aventure s’arrête au moment où le club accède à la Pro D2. Rennes arrive avec la possibilité de lier le rugby à un projet professionnel : « J’ai toujours mené mes études en même temps que je jouais et j’avais obtenu un BTS de technicien en électronique. Quand Rennes m’a contacté, la perspective était de jouer à bon niveau, avec l’ambition de monter en Fédérale Une mais aussi de préparer la reconversion. Tout s’est passé comme prévu, nous sommes montés, avec une saison énorme et j’ai, par le biais d’un partenaire de l’époque, pu démarrer dans le dépannage d’ascenseurs, métier que j’exerce toujours aujourd’hui dans une autre entreprise. »
« Ma compagne m’a dit : « il faut que tu continues ! » »
Posé pour de bon en pays rennais, où il a installé sa petite famille, le colosse pontivien ne s’interdit rien dans un avenir partagé entre famille, travail et rugby : « La question de continuer s’est forcément posée à l’issue de la saison passée. C’était fort, je voulais terminer avec ce titre, qui est très fort émotionnellement, sentimentalement. Ces mecs-là sont mes frères d’armes, on a vécu une aventure incroyable tous ensemble et le moment était parfait pour mettre le point final. Puis le Rheu, où je connaissais déjà la moitié de l’équipe avec qui j’ai joué à Rennes, s’est présenté. Ici, il y a des potes de rugby, d’autres d’enfance, comme Marc Le Gras, qui est un ami très proche de mon grand frère. Je connaissais aussi un peu Martin. Tout s’est fait naturellement et ma compagne m’a elle-même dit : « il faut que tu continues, tu en as encore envie, encore besoin. » Aujourd’hui, je n’ai pas un seul regret. »
Et pour cause ! Leader de sa poule de Fédérale 2, Le Rheu régale et s’est offert le scalp de costauds, à l’image du Havre, dernier visiteur reparti cabossé de Beuffru : « Ici, c’est compliqué pour les adversaires de venir faire un résultat et on compte vraiment perpétuer cela toute l’année ! Ce club est à part vraiment, il y a une super ambiance entre nous, autour de nous. Nous jouons bien, on se fait plaisir sur le terrain, l’équipe a beaucoup de qualités et nous ne nous prenons pas la tête, tout en étant ambitieux. Tout sourit pour le moment et nous travaillons pour que cela dure mais ça ne s’arrête pas au terrain. Il y a nos vendredis soirs, également, au foyer, où tout le monde essaie de rester un moment, de passer, de partager autour des galettes saucisses. Il y a les jeunes, les anciens, les bénévoles. Question ambiance, convivialité et fous dans le vestiaire, il y a vraiment match avec les copains du REC, qui passent d’ailleurs nous voir régulièrement et que nous allons aussi encourager dès que possible. »
Ambiance, résultat, plaisir, les ingrédients pour continuer encore longtemps ? « L’avenir le dira. Aujourd’hui, mon critère de décision est le plaisir. Je donne le max à chaque entraînement, j’essaie d’apporter expérience et sérénité sur le terrain. Tant que tout est réuni, qu’on s’éclate et que tout le monde s’y retrouve, pourquoi pas. J’ai encore les jambes mais je ne veux pas me projeter trop loin. Il sera bien le temps d’y penser… » Et de fêter un nouveau titre en juin prochain, en poussant de nouveau la chansonnette ? « Si je trouve une nouvelle guitare, rien d’impossible, surtout ici ! Ou peut-être trouvera-t-on autre chose ?», s’amuse-t-il. Le Rheu, de son côté, espérera forcément ne pas avoir à remplacer un pilier déjà parfaitement fondu dans son nouveau cadre, qui mérite déjà ce statut sur comme en dehors du terrain.