Remis sur pied après une année blanche la saison passée, consécutive à une très grave blessure (fracture du tibia péroné subie le 1er septembre 2021), l’ailier originaire de la région parisienne attaque plus motivé que jamais sa deuxième saison à l’URB. Retour sur le parcours d’un joueur pas comme les autres !
Brillant contre Lorient malgré la défaite, plus en retrait lors de la victoire contre Tarbes, comment vis-tu ton retour sur les parquets avec l’URB ?
Le plus important, c’est de rejouer, retrouver les sensations avec mes partenaires, le plaisir de jouer, de gagner ! A 31 ans, je ne me prends plus la tête si je fais un match moyen mais que nous gagnons même si ce serait mentir de dire que je me satisfais de matches où je ne performe pas assez. Tous les joueurs aiment avoir la lumière sur eux, être celui qui fait gagner. Cela fait partie de la gagne et de l’exigence que l’on peut avoir dans la performance.
Cette exigence de stats, de jeu, est de nouveau possible après une longue absence. C’était comment ?
J’ai été très soutenu et accompagné par le club, mes coéquipiers, qui ne m’ont jamais lâché. Sur le moment, j’ai forcément compris que c’était grave et je n’avais qu’une envie, que l’on me soulage, ne plus souffrir. C’est l’un des pires moments de ma vie, évidemment mais très vite, je me suis tourné vers l’avenir. L’opération a eu lieu six semaines après une longue période sans poser le pied au sol, en fauteuil. Cela aide à relativiser. Ensuite ce fut Capbreton, pendant trois semaines puis une longue période à Vivalto Sport, où j’ai été parfaitement pris en charge avec Mathieu Machefert, qui m’a accompagné, une écoute et un soutien idéaux aux différents moments que j’ai traversés. Fin mai, je reprenais la course…
Ce n’est pas le seul moment compliqué de ta carrière, entamée il y a déjà plus de quinze ans du côté du centre de formation du Mans. Le basket a-t-il toujours été essentiel ?
Je me suis toujours intéressé à beaucoup de choses, au monde qui m’entoure. J’ai la chance d’avoir des parents avec qui nous avons toujours dialogué de la vie, de tout ce qui se passe autour de chacun. En revanche, ça a toujours été un objectif, oui. Petit, j’étais plutôt foot et je voulais devenir professionnel mais très vite, mon gabarit m’a amené vers le basket. A 10-11 ans, je mesurais déjà près d’1,90m ! J’ai pris ma première licence au Red Star Montreuil et la bascule s’est faite. J’avais des aptitudes, un physique et très vite, je suis rentré dans les radars, j’ai participé aux sélections départementales puis régionales. La suite, ce fut un tour de France des centres de formation et j’ai intégré celui du Mans, avec la proximité de Paris et la possibilité de pouvoir rentrer si besoin.
« Personne ne prépare les jeunes à ce qu’ils vont vivre »
Ce premier déracinement fut-il compliqué ?
Oui, clairement, ce fut même le plus dur. Quand on a 14 ans, c’est très difficile d’être séparé des parents, de ne plus dormir à la maison, même si on n’est pas très loin. Pour moi, le basket était une passion, j’adorais Kobe Bryant et Allen Iverson puis j’ai découvert le business du basketball. J’avoue aimer le jeu, moins ce qui l’entoure… J’ai été déçu de ce qu’est le milieu.
C’est-à-dire ?
Peu de joueurs, une fois pros, osent le dire mais la vérité, c’est qu’on nous met de suite dans des cases. Personne ne prépare les jeunes à ce qu’ils vont vivre. On me demandait juste d’être un objet physique, de sauter ou mettre de l’impact, et c’est tout. Moi j’étais grand, costaud et ils m’ont limité tout de suite. J’ai été catalogué et j’ai senti qu’on ne voulait pas forcément me permettre de briller. Pour le shoot, le tir, les dribbles, je me suis formé moi-même avec les vidéos. Croyez-moi, il y a de quoi en décourager plus d’un, surtout à cet âge-là. Soit tu rentres dans le moule et tu te tais, soit non et ça devient plus compliqué.
Tu pars ensuite aux Etats-Unis où tu vas vivre six ans. Qu’en retires-tu ?
J’ai participé à un Camp organisé par Adidas, regroupant une dizaine de joueurs français ou franco-africains. Il y eut d’abord des dates au Sénégal et au Mali puis ensuite, un tournoi à Los Angeles où nous avons affronté d’autres sélections continentales. A l’issue de cette compétition, j’ai été recruté pour évoluer en Californie. J’avais 17 ans, j’ai ensuite vécu deux années de lycée. Ensuite, dans le cursus universitaire, je suis passé par la Virginie occidentale, l’Ohio puis de nouveau, la Virginie. Là-bas, c’est « no gain, no pain ». Tu bosses dur, tu t’arraches, tu performes, tu as ta chance et on te laisse libre de tes inspirations. Si en revanche, tu n’y arrives pas, pas de pitié. C’est le côté pervers de la compétition, avec une concurrence exacerbée. J’ai du caractère mais aussi un côté tranquille qui ne se retrouvait pas totalement là-dedans. En revanche, j’ai aimé cette culture urbaine, musicale des USA, la possibilité de taper un basket avec n’importe qui dans la rue. Gamin, j’écrivais des textes de rap où je m’imaginais à LA. Pour autant, après six ans là-bas, à 23 ans, j’ai souhaité rentrer. J’étais dans une grosse Université, avec des perspectives mais c’était le moment.
A ton retour en France, c’est la douche froide : pas de proposition…
Sincèrement, je pense que je n’ai pas été apprécié à ma juste valeur. J’ambitionnais la Pro A mais je n’ai eu que des propositions en Pro B. C’était clairement un manque de respect à ce que je venais de faire. Aux USA, j’ai évolué avec des gars qui ont ensuite joué en NBA, je performais et quiconque connait notre sport sait l’investissement et ce qu’il faut pour pouvoir jouer ou performer là-bas. Je voulais la Pro A, point. Je ne l’ai pas eu et je suis parti en Angleterre, pour être visible, au top et être drafté ensuite en NBA. Sauf que là non plus, les choses ne se sont pas passées ainsi. Passer de Los Angeles ou Paris à Birmingham, ce fut trop compliqué. Etre en colocation avec quatre gars là-bas, je n’étais pas venu pour ça et je suis donc revenu, de nouveau en France.
S’en suivit une longue période, faite de petits contrats, de doutes puis de Pro B à Evreux puis Rouen. Pourquoi cette instabilité ?
J’ai vécu de bons moments aux Get Vosges, pendant trois à quatre mois puis à Rueil où j’étais partenaire d’entraînement avant de rallier Evreux, alors en Pro B. Là-bas, ce fut top pendant une saison, avec des play-offs perdus en demies. Pareil la saison suivante à Rouen, avec la même issue. Des contrats d’un an, qui n’ont pas eu de suite. Pourquoi ? Des choix peut-être. Ensuite, j’ai peiné à trouver de nouveaux contrats. J‘ai sans doute payé plus une réputation qu’un caractère réel, payé au prix fort d’être un homme qui assume, s’assume et dit ce qu’il pense, que ça plaise ou non.
Ce caractère ou cette réputation, au choix, a-t-il été fatal pour exister dans le « business du basket » ?
Je pense que certains coachs ou staff ont parfois eu des problèmes d’égo, ne voulaient pas de têtes qui dépassent. Ils étaient près à me prendre pour mes qualités de joueur mais craignaient sans doute de devoir ensuite avoir affaire à mon caractère tel qu’il était vendu. Pourtant, je n’ai jamais eu de souci dans un vestiaire. Cela s’est toujours bien passé avec mes coéquipiers mais peut-être que me gérer fait peur. Je ne me considère pas comme un sportif mais plutôt comme un artiste, du moins dans la liberté de faire ce que je veux, quand je veux. Je sais qu’il y a des contraintes, des consignes à respecter mais j’ai aussi besoin d’une certaine liberté. Je ne suis pas du genre à me renier pour entrer dans une case.
A l’occasion de tes périodes sans club, tu as rejoint l’équipe de France de 3X3, avec du succès. Mais une blessure t’ayant freiné, que gardes-tu de cette période ?
Franchement, ce fut un kiff de jouer en 3X3, je me suis régalé ! Nous nous étions qualifiés pour la coupe du monde mais je me suis malheureusement blessé et je l’ai manquée. C’est comme ça… Ensuite, j’ai eu le plaisir et le bonheur de créer un tournoi chez moi, à Montreuil. M’investir sur un projet, convaincre les gens et donner aux jeunes de chez moi l’occasion de faire du basket, de découvrir cette discipline, ce fut une expérience très enrichissante qui m’a comblé.
L’URB a donc su trouver les mots et le projet pour t’offrir le meilleur terrain pour t’exprimer, à 31 ans. Qu’ambitionnes-tu pour cette saison et pour la suite ?
Depuis le début, nos échanges avec Pascal ou le reste du staff ont toujours été francs, directs. Même si il y a un désaccord, il n’y a aucun souci pour en parler. Au moins, je n’ai pas la sensation de voir les gens face à moi me parler en marchant sur des œufs ! Alors oui, j’ai envie de kiffer avec mes coéquipiers, qui sont d’abord des super mecs mais aussi, de très bons joueurs de basket. Je vous le promets, nous avons une très belle équipe, où notre cohésion, quand elle sera totale, avec tout le monde à 100 % en même temps, va faire mal ! Je crois en ces mecs, qui ont aussi cru en moi et aujourd’hui, qui comptent sur moi. Je veux rendre tout ce que l’on m’a donné, prendre du plaisir et aider le club dans son projet que je trouve très bien construit. Ici, je peux être moi-même, on m’accepte pour ce que je suis ou celui que je serais, si l’on en croit le milieu du basket. Alors, on ne va rien s’interdire et aller le plus loin et le plus haut possible. La suite ? Il sera bien assez tôt pour y penser !