Leur association rime avec compétence, complicité, respect et échange. Les trois ont la confiance d’un groupe aussi intelligent que déterminé et voilà le CRMHB tout sourire. Sébastien Leriche, Yann Lemaire et Thibault Minel ont accepté de nous ouvrir leur bureau et leur quotidien et l’on comprend mieux, après une heure d’échange, pourquoi ce Cesson-là réussit aussi bien !
Avec 13 points sur les 11 premiers matchs (entretien réalisé avant Chambéry-Cesson, ndlr), le CRMHB file vers le meilleur début de saison de son Histoire. Est-ce un motif de fierté pour vous trois ?
Sébastien Leriche : Tout ce que l’on vit actuellement, avant de nous rendre fiers, nous conforte dans ce que nous voulions mettre en place avec ce groupe. Si fierté il y a, elle est là, dans le fait d’avoir réussi à emmener les garçons où nous souhaitions le faire en juillet dernier. Ce groupe a du répondant, du talent, travaille dur et ne triche pas. Maintenant, il reste un bloc de trois matchs avec Chambéry, Istres et Dunkerque, qui indiquera si oui ou non, ce que nous faisons est historique. Si nous arrivons à 15 points à la trêve, je qualifierai vraiment cette première partie de saison d’exceptionnelle, tout en ouvrant des perspectives plutôt sympathiques pour 2022.
Votre travail se divise en plusieurs secteurs bien distincts. Comment vous répartissez-vous les tâches ?
S.L : Un seul homme ne peut plus répondre à toutes les compétences demandées pour gérer un groupe. A vouloir être partout, on est nulle part! Les arrivées de Yann et Thibault répondent à cette idée et au souhait d’être le plus performant possible pour mettre les joueurs dans les meilleures dispositions possibles. De plus, un message à plus de chance d’être reçu et maintenu s’il est incarné par plusieurs têtes. Au bout d’un moment, quand ça ne tourne plus rond, un joueur peut facilement se braquer contre un coach qui incarne tout. Les joueurs sont ceux qui détiennent prioritairement la vérité, la réussite ou non d’un match. Là, chacun son domaine !
Thibault, tu es chargé de la préparation physique. Comment organises-tu ton travail avec les joueurs ainsi qu’avec le staff ?
Thibault Minel : Mon rôle est de préparer le joueur à la performance pour qu’il puisse être capable de répéter les efforts. Je dois répondre à toutes les problématiques athlétiques en semaine ou en cours de match. Il faut aussi surveiller que les charges de travail soient parfaitement distribuées pour que les joueurs se retrouvent en condition optimale pour performer. Je suis aussi en lien permanent avec le staff médical pour travailler sur les joueurs en réathlétisation ou rééducation même si mon rôle reste de préparer au mieux chaque gars pour jouer, être à son écoute.
S.L : Je suis très agacé lorsque l’on résume l’efficacité d’un préparateur physique au nombre de joueurs blessés… Si nous en avons huit ou dix, bien sûr, on va demander des comptes à Thibault mais il est très réducteur de penser que le préparateur physique ne s’occupe que de ça. Si nous gagnons des matchs sur les money-time, que les joueurs sont encore aptes à répondre athlétiquement, surtout avec notre projet de jeu énergivore, le mérite en revient à Thibault. Préparateur physique est un vrai métier, qui requiert de grosses compétences, que l’on n’apprend pas en quinze jours, ni en allant chercher des choses toutes faites sur Internet.
Yann Lemaire : Le rôle de Thibault est primordial et nous lui faisons pleine confiance quand il nous conseille sur le temps de jeu d’un joueur ou pour en économiser un autre à l’entraînement, notamment lorsque l’on prépare un bloc de matchs, avec des temps de jeu qui vont varier pour les uns et les autres. Il est un peu notre lanceur d’alerte car il ne faut pas perdre de vue que lorsque l’on traite la blessure d’un joueur, c’est qu’il est déjà trop tard. Son rôle en prévention est primordial !
Thibault, avoir été pro et être encore joueur en N1 au CPB t’apporte-t-il un plus ?
T.M : J’ai peut-être un peu plus de sensibilité au jeu, oui, je peux imaginer ce que ressens un joueur sur tel appui ou telle situation mais je ne recherche jamais la comparaison et suis focus sur mon job. De même qu’avec les coachs, je reste à ma place. La tactique ou la technique n’est pas du tout dans mon domaine de compétences et je ne me permettrais jamais d’aller dire à Yann ou Sébastien ce qu’ils doivent faire !
S.L : Dans le même ordre d’idées, je ne rentre jamais dans la salle de musculation, ce n’est pas ma place ! Je ne vais pas dire à Thibault s’il faut rajouter ou enlever dix kilos sur telle barre ou faire faire tel exercice à untel. Non. De plus, cet aspect de la préparation du joueur doit rester entre lui et le préparateur. C’est un moment où l’on peut se confier, parler, plus facilement, évidemment, que si l’entraîneur est là. Il est important que ces moments-là, sans les entraîneurs, existent.
Pourquoi avoir choisi cette voie ?
T.M : Quand j’ai été blessé au dos, à l’époque où j’évoluais à Créteil, j’ai été soigné et pris en charge par les kinés et préparateurs. Je m’orientais plus vers le kiné mais en discutant beaucoup avec les préparateurs, j’ai eu un déclic et l’envie de foncer sur ce métier-là. Ensuite, je me suis formé grâce au CPB et je suis très heureux aujourd’hui de mettre en pratique tout ce que j’ai pu apprendre depuis quelques années.
Yann, quelles sont tes missions, aux côtés de Sébastien ?
Y.L : Comme Sébastien l’a dit, un entraîneur a de nos jours de plus en plus de responsabilités et tâches à accomplir. Mon rôle d’adjoint est de le soulager au maximum sur chacune d’elles et d’apporter mes idées ou ma sensibilité dans l’élaboration de notre projet de jeu.
Sur la vidéo par exemple ?
Y.L : Oui. Nous nous répartissons les tâches. Si je prends la défense adverse et notre attaque, « Seb » prendra l’inverse. Ce doit être fluide entre nous pour l’être ensuite devant les joueurs. La plupart du temps, selon les thèmes, nos joueurs participent et c’est forcément intéressant pour valider ce que l’on a voulu mettre en avant. Après, c’est comme à l’école, il y en a des plus timides que d’autres. Généralement, une séance dure une demi-heure, avec pas plus 7 à 10 minutes de montage. Pas plus, afin de ne pas perdre l’attention des gars.
L’organisation de l’entraînement est-elle collégiale ?
S.L : Oui, toutes les séances d’entrainements sont préparées ensemble, avec des thématiques que je fixe en amont. Lors de chaque préparation, je fixe les rôles sur l’animation : l’un fait l’échauffement, l’autre la mise en place, etc. Et chacun doit se concentrer pendant la séance sur ce que nous avons établi avant. C’est encore une fois une question de ressenti entre nous, de manière dont on fera passer le message aux joueurs. Il ne faut pas les lasser ou les ennuyer et il faut toujours être unis dans le message transmis, un peu comme des parents, quand on envoie un message.
Y.L : Nous avons un groupe de joueurs matures, qui savent se prendre en main et le côté participatif des entraînements est très intéressant. Si les décisions sur un exercice nous reviennent, nous sommes toujours très attentifs à leurs retours sur les séances.
Qui choisit les titulaires et fait les choix ?
S.L : A la fin, c’est à moi que reviennent les décisions mais je les prends toujours avec l’appui du staff, les ressentis. Ce sera aussi à moi de les assumer avec les médias, pendant le match, avec les dirigeants ou les supporters mais c’est aussi pour cela que l’on fait le métier.
Les joueurs, comme dans d’autres sports, ont-ils tendance à se confier à Yann, l’adjoint ?
S.L : Dès le début, nous avons fixé les règles dans notre mode de fonctionnement. Naturellement, il est normal que les joueurs soient plus à même de venir voir les membres du staff plutôt que le numéro 1. Mais ils le savent, la porte de mon bureau est toujours ouverte. De mon côté, je vais aller aux informations auprès de mon capitaine et de mes joueurs cadres. Tout est une question de confiance. Ecouter ne veut pas dire oui à tout. Le management à la « trique » d’il y dix ou quinze ans, ça n’existe plus. J’en parle d’autant plus facilement qu’à mes débuts, à 26 ans, j’ai voulu la jouer ainsi. Je m’étais créé une carapace, j’avais un côté fier, un peu orgueilleux tout en mettant trop de distance avec tout le monde. J’ai brisé tous les liens que j’avais construits jusque-là et ceux à qui je faisais la bise m’ont coupé la tête plus tard. J’ai appris de cela et aujourd’hui, le partage est au cœur de ce qui me motive, de ma manière de voir le métier, qui a fortement évoluée.
Y.L : L’important aujourd’hui, pour un coach et son staff, est d’avoir une relation de confiance, entre nous déjà, puis avec les gars, que tout le monde aille dans le même sens vers un projet collectif. Nous devons y contribuer, en nous renouvelant et en étant attentifs au moindre signe.
S.L : Ce groupe, j’ai parfois la sensation qu’il est quasiment en auto-gestion. Ils sont ultra-réceptifs, nous avons des grands garçons qui savent ce qu’il faut faire pour gagner. Je me présente en garde-fou, je dois être attentif à tous les détails rapportés au quotidien par les joueurs, le capitaine et je peux le faire aujourd’hui grâce à Yann et Thibault, qui effectuent un très gros boulot. Il y a une notion de mangement humain dans le métier qui prend de plus en plus de place et j’ai aujourd’hui la chance de pouvoir m’en occuper. Mais je le répète, avec eux, pour le moment, nous sommes gâtés. Il suffit de voir les attitudes sur le banc, notamment pour ceux qui ne jouent pas, pour voir à quel point le projet collectif prend le dessus sur les potentielles frustrations individuelles. Ce sera aussi notre rôle, si cela continue de la sorte, de veiller à garder cet équilibre.
Le groupe, plutôt habitué à lutter pour le maintien, cartonne cette saison. Doit-on gérer la victoire ?
Y.L : Comme Sébastien l’a dit, les gars sont mûrs et savent tous les efforts consentis pour kiffer de bons résultats. Ils sont tranquilles par rapport à cela, on a surtout une ambiance au top pour travailler. Ils gardent la mesure et la victoire appelle la victoire, tout le monde a envie que cela dure. C’est l’environnement autour qui peut changer mais nous, nous ne changerons pas. Gagner un match d’un but ou le perdre du même écart, on sait que le contenu sera jugé de la même manière.
S.L : C’est le côté instantanéité du sport de haut niveau. Après Nantes ou Montpellier, nous étions des cadors et après Nancy, nous étions lamentables… Nous sommes tous, joueurs ou staff, prévenus de cela et l’on sait que la personne qui te remet la médaille le samedi peut te trancher la tête le jeudi suivant. Le jugement est permanent…
Y.L : Y compris celui du comptoir, où l’on résume ton résultat à l’adversaire que tu as affronté. C’est un peu plus compliqué que cela mais pourquoi leur en vouloir ? C’est caricatural mais cela fait partie du jeu et parfois, ça peut même être amusant mais aussi permettre de savoir avec qui on parle. On sait qu’il y aura des passages plus compliqués mais nous les aborderons avec la même sérénité que les bons.
Un mot enfin, sur vos secrets inavouables ! Il y a forcément des dossiers qui traînent…
T.M : Ils aiment un peu trop les jeux de mots et parfois, ce n’est pas simple de suivre. Heureusement pour eux, je suis bon public !
S.L : Concernant Yann, je pense que le café à forte intensité ne lui réussit pas trop (rires)… Thibault, j’ai une question à te poser : pourquoi nous ramènes-tu des bonbons Fisherman’s Friend tout le temps ? A-t-on un souci d’haleine ?
Y.L : Puisqu’on y est, je me propose à donner des cours d’anglais à Séb. Je pense que Miguel, avec qui il parle en anglais, est bien trop poli et sympa pour ne pas se marrer lorsque l’on a un peu de franglais en causerie… Par ailleurs, Thibault, j’attends que tu m’invites au comptoir de l’Aubrac et trinquer à la santé de tous ceux qui ont perdu contre nous au palet. Nous sommes toujours invaincus… D’ailleurs… Quand il joue au palet, Thibault parle au palet et lui dit “allez, vole” ! Heureusement pour nous qu’il maîtrise bien mieux la préparation physique…