Lorsque l’on évoque le Stade Rennais années 2000-2010, les noms d’Alexander Frei, Kim Källstrom, Olivier Monterrubio, Yoann Gourcuff ou Etienne Didot viennent rappeler le maillot Airness, les sièges bleus et verts du Stade de la Route de Lorient d’alors et l’AX d’Arnaud Le Lan. Grégory Bourillon, formé au club, tient aussi sa place dans ce tableau, lui qui évolua à 134 reprises en Rouge et Noir.
Grégory, si nous évoquons le 7 janvier 2006 et la 52e minute, que nous réponds-tu ?
Ça commence bien ! C’est mon unique but marqué, à Corte, en 32es de finale de coupe de France, de la tête. C’était un match compliqué, disputé à Ajaccio, où nous avions vraiment galéré pour gagner à l’arrache contre des amateurs. Je marque de la tête si ma mémoire est bonne. Jimmy Briand était venu me chambrer. Dire qu’aujourd’hui, sa fille, que j’ai vu naître, garde mes garçons de 4 et 6 ans… Le temps passe vite ! Heureusement, j’en ai marqué d’autres par la suite dans mes autres clubs où je jouais peut-être un peu moins bas sur le terrain qu’à Rennes.
Avant de transpercer les filets corses, tu avais déjà fait ton trou dans le onze rennais depuis un moment, après avoir été formé au club. Quels sont tes souvenirs de cette période ?
Ce sont les meilleurs, surtout une fois que tout est fini. Une certaine forme d’insouciance, les copains au centre, avec une génération dingue. Nous sommes tous arrivés dans l’équipe en 2003 avec Etienne Didot, Yoann Gourcuff, Jimmy Briand et tellement d’autres. Je ne peux même pas citer tout le monde… Il y a aussi ceux qui n’ont pas eu le bonheur de grimper en L1 comme Greg Tanagro, qui s’était blessé alors qu’il était proche de signer.
Comment arrive-t-on chez les pros au début des années 2000 ?
Chez les pros, il y avait des patrons, les « Darons », des mecs comme Dominique Arribagé, Eric Durand, Olivier Echouafni, François Grenet ou Philippe Delaye. Avec ces mecs-là, tu te tais, tu observes, tu portes les ballons et les bouteilles d’eau et tu es franchement content d’être là. Bon, on ne nettoyait pas les chaussures des aînés quand même ! J’espère qu’aujourd’hui, c’est toujours pareil (rires) ! Ensuite, il y a eu Alex Frei, Olivier Monterrubio puis plus tard, Kim Källstrom, John Utaka… Je pourrais en parler des heures de cette équipe, ce fut la régalade !
Au centre de formation, as-tu le souvenir de quelques dossiers ?
Franchement, au risque de décevoir, j’ai toujours été plutôt sage. Je peux éventuellement te parler des pizzas que l’on commandait en douce quand les plats proposés par Alain, notre cuisto – que j’embrasse au passage – ne nous plaisaient pas. Mais globalement, nous étions plutôt sages et bien cadrés par Philippe Bizeul et Patrick Rampillon.
Dans la famille, ton frère, Yoann, a également fait carrière. Comment cela était-il géré en famille ?
Yoann a joué à Laval, dont nous sommes originaires, puis à Besançon, Romorantin et Saint-Brieuc. Je suis fier de son parcours, il n’y a jamais eu de comparaison entre nous et on se réjouissait du parcours de l’un et l’autre. Pour nos parents, ce fut aussi particulier. Mon père, qui adore le foot, a forcément profité au maximum de nos parcours. Il enchaînait Laval le vendredi soir puis Rennes le week-end. Ma mère, en revanche, avait plutôt hâte que ça s’arrête. Si elle était contente pour nous, elle voyait bien les avantages mais aussi les inconvénients du métier et n’a jamais particulièrement aimé le milieu du foot.
Vahid Halilhodzic fut le premier à te lancer dans le grand bain, à Nice, au stade du Ray. Mais cela n’a pas tenu à grand-chose !
Exact ! C’était le 23 novembre 2002. Ma première titularisation, c’est un truc assez dingue. Dans la semaine, je ressens un problème au dos et je veux aller voir l’ostéopathe. Seulement, à l’époque, les anciens sont prioritaires pour avoir les bons horaires de rendez-vous. Je prends donc mon rendez-vous le jeudi à 14h30, horaire pas vraiment top car il y a sieste ! Et dormir, pour Vahid, c’est sacré et obligatoire ! En allant à mon rendez-vous, au niveau de Cleunay, je le croise en voiture. Je ne sais pas s’il m’a vu mais je le vois. Le lendemain, à l’entraînement, il me fusille devant tout le monde à l’entraînement précédant l’annonce du groupe en affirmant que je n’ai pas été sérieux car je n’ai pas fait la sieste. C’était injuste !
Qu’as-tu répondu ?
Il y avait deux solutions : soit, comme souvent dans ma carrière par la suite, je l’ouvre car j’ai un peu de caractère, tout de même, soit je m’écrase et je laisse passer l’orage. J’ai choisi la deuxième option et le lendemain, je suis dans le groupe, et mieux, je démarre titulaire contre Nice ! Ensuite, je n’ai plus quitté l’équipe sauf sur suspension ou blessure. Qui sait ce qu’il se serait passé si je m’étais opposé à lui devant tout le monde…
Il était comment, Coach Vahid ?
Il y a dix mille anecdotes sur lui, plus ou moins vérifiables et justifiées. Je me souviens qu’il se trompait régulièrement sur les noms des adversaires mais aussi, parfois, sur nos propres joueurs ! J’ai le souvenir d’une causerie où Olive est devenu Montevideo ! C’est longtemps resté, ça mais nous avions réussi à ne pas rigoler devant lui ! Niveau terrain, c’était un coach à la dure, tu ne posais pas de questions, tu bossais. Il cultive cette image, c’est une méthode difficile mais l’homme est juste. Si tu bosses, il respecte ça. Je l’ai recroisé à la Beaujoire et nous étions contents de discuter un instant. Je suis convaincu que c’est une bonne personne.
Ensuite, la franche rigolade se poursuit avec Laszlo Boloni …
Lui, c’était assez différent. Peut-être un peu moins dur que Vahid, c’est sûr, même. Il est difficile à analyser, même avec les années qui sont passées, je n’ai pas vraiment d’anecdotes sur lui. Ensuite, ce fut Pierre Dréossi, que nous avions connu comme directeur sportif. Il nous connaissait par cœur et ce fut sympa.
« Avec ces mecs-là, tu te tais, tu observes, tu portes les ballons et les bouteilles d’eau »
Quel souvenir gardes-tu du public et pourquoi être parti ?
Le public rennais est connaisseur, capable de te gronder si tu joues vers l’arrière alors que tu mènes 2-0. A l’époque où j’ai débuté, le club jouait le maintien mais nous étions soutenus, aux entrainements, en match. Ensuite, avec les arrivées de «Rubio», Kim, Frei notamment, puis bien d’autres, nous avons vécu aussi une superbe époque, on a joué l’Europe… C’était énorme et nouveau à Rennes. J’avais un très bon rapport avec les supporters, j’ai kiffé cette époque. Pour ce qui est de mon départ, il s’est inscrit dans une suite logique. J’avais fait cinq ans chez les pros, je n’avais pas prolongé et j’ai été blessé dans la foulée. Quand l’opportunité PSG s’était présentée, je l’ai saisie même si l’on ne parle évidemment pas de l’ère qatarie. Ça reste une fierté aujourd’hui d’avoir joué dans la capitale.
Tu as joué en équipe de France espoirs et tu as été évoqué chez les Bleus. Y’a-t-il un regret de ne pas avoir connu la moindre sélection ?
Non, non franchement pas du tout ! Je te l’ai dit, au départ, je n’ambitionnais même pas d’être pro ! Les choses sont venues les unes après les autres, je suis très heureux de ma carrière où Rennes reste mon club formateur, de cœur, Paris une petite fierté et Lorient une formidable aventure humaine avec les copains Yann Jouffre, Jérémie Aliadière et autres. C’était une superbe histoire. Ensuite, j’ai commencé à connaître pas mal de pépins, à moins jouer, même si je retire aussi du bon de Reims, Angers et Châteauroux, où j’ai pris du plaisir sur et dehors du terrain pour terminer. Mais pour revenir aux Bleus, soyons francs, j’en étais très très loin, il faut rester sérieux !
Suis-tu le SRFC d’aujourd’hui, ou certains joueurs de l’époque ?
Je vis désormais à Bordeaux et je n’ai que trop rarement l’occasion de venir à Rennes. Je suis pour autant toujours de très près leurs résultats et ce qu’ils font actuellement est vraiment intéressant. Le club que j’ai connu a beaucoup changé, est passé dans une autre dimension. Il joue l’Europe, recrute dans la cour des grands et affiche ses ambitions. C’est un plaisir de voir Rennes où il est actuellement.
Le club a-t-il gardé le contact avec toi, comme avec d’autres membres de l’équipe de l’époque ?
Je reçois parfois des invitations par mail sur des événements, en tant qu’ancien, un lien est maintenu mais faute de temps, je donne rarement suite. J’espère pouvoir bientôt venir voir l’équipe au Roazhon Park et y emmener mes enfants.
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