S’il n’y avait que le rugby dans son quotidien, il ne serait pas pleinement épanoui. Arrivé au REC Rugby à l’été 2018, Baptiste Le Jallé a trouvé son équilibre dans la capitale bretonne, pour le plus grand bonheur du XV rennais qui peut s’appuyer sur un pilier gauche aussi puissant et régulier sur le terrain que posé en dehors.
« Finalement, de Rennes à Muzillac, il y a une heure et demie et comme la famille de ma copine est à Dinard, nous sommes à mi-chemin, c’est un bon compromis. » Aussi attaché à ses terres qu’à ses proches, Baptiste Le Jallé, 28 ans, n’est pas du genre à oublier d’où il vient, ni à ne pas savoir où il va.
Aussi investi dans son rôle capital au Rec Rugby sur le terrain qu’en dehors du rectangle vert où il exerce le métier d’ingénieur dans le numérique, le Morbihannais passe d’une partition à l’autre sans fausse note : « Si je n’avais que le rugby dans ma vie, sincèrement, je m’ennuierais. J’ai besoin de stimulation intellectuelle, d’interaction avec d’autres milieux pour être pleinement bien dans mes baskets. Penser rugby, manger rugby, dormir rugby, je respecte beaucoup mais ce n’est pas pour moi. Pour autant, une fois sur le terrain, je suis toujours à 200 % ! » Au sein du club rennais, le voici aujourd’hui dans un cadre propice à donner sa plénitude, après un parcours hors des clous.
De Muzillac à Rennes, en passant par Vannes et Nantes
Avant de venir à l’Ovalie, le Muzillacois s’est essayé au ballon rond, comme la grande majorité des ados de son âge : « Le souci avec le foot, c’est que je n’étais pas très bon, il faut bien le dire. D’ailleurs, je n’avais pas vraiment de poste, c’est un peu révélateur, non ? (rires) A 12 ans, j’ai alors tenté le rugby, que je n’avais vu jusque-là qu’à la télé et ça a bien accroché. Dans ma ville, à Muzillac, un club se formait et la dynamique autour de lui en a entraîné pas mal, dont moi. J’ai aussi fait du karaté, de la natation mais le rugby m’a très vite convaincu. Et mon docteur également, qui à chaque signature de licence, me demandait pourquoi je ne me mettais pas au rugby avec mon gabarit ! » Celui-ci aura finalement eu gain de cause et Baptiste prend place en troisième ligne dans les équipes de son club. Ses performances sont très intéressantes et ne passent pas inaperçues. De sélections départementales jusqu’en régionales, il se fait remarquer, notamment par Yann Moison, nous le verrons plus tard, et intègre le club voisin, un certain RC Vannes, à l’époque encore en Fédérale Une mais en pleine émergence. Un autre monde rugbystique s’ouvre alors : « J’ai intégré les jeunes du RCV en Cadets deuxième année. Je me débrouillais pas trop mal avant mais j’ai découvert et intégré, au fil des années, le goût de l’exigence, du travail et surtout, de l’effort aux entraînements. A Vannes, mes différents entraîneurs m’ont beaucoup apporté, des éducateurs en jeunes à Jean-Noël Spitzer par la suite. Je n’étais pas au centre de formation, j’allais au lycée la journée et je m’entraînais le soir. J’avais besoin de cet équilibre pour pouvoir m’investir sur le terrain à 100 %. Ce furent des années intenses et très enrichissantes. »
Très vite, le « jeunot » arrive chez les Seniors, en équipe réserve à l’équipe, nommée Nationale B. L’apprentissage s’accélère alors, les jeunes comme Baptiste se frottant, notamment dans les premières lignes, à de vieux briscards expérimentés et souvent sans scrupule ni formules de politesse : « C’est une école parfaite ! On apprend vite à ce niveau, il n’y a pas de cadeau ! Se frotter aux joueurs expérimentés, il n’y a pas mieux pour s’affirmer et faire rentrer le métier ! » Six années passent et le joueur comme l’homme se construisent dans la cité vannetaise. Il y a bien quelques feuilles de match lors de l’année en ProD2, mais le temps de jouer plus a sonné. Le Stade Nantais est alors présenté dans un schéma simple : un prêt d’un an pour s’aguerrir en Fédérale Une, gagner en temps de jeu, progresser avant de revenir au bercail. Problème, tout ne se passe pas comme prévu et une blessure au scaphoïde à l’entrée de l’hiver prive le néo-Eléphant de la seconde partie de saison. A son retour à Vannes, il n’y a « plus aucune place » disponible aux avant-postes et le départ s’impose : retour à Nantes pour un contrat d’un an. Alors dans le groupe, Baptiste joue mais ne s’impose pas comme titulaire indiscutable. Surtout, il dresse un constat : « J’avais terminé mes études d’ingénierie l’année précédente quand je suis parti à Nantes et j’ai compris, pendant ces deux années, que je ne pouvais pas faire que du rugby et ne rien faire entre deux entraînements ou match. De plus, j’étais tout seul à Nantes et sincèrement, le temps m’a paru très long par périodes. »
L’avenir passera donc par le double-projet et l’idée de rallier Rennes naît au détour d’un texto informel envoyé à Yann Moison, croisé quelques années plus tôt en sélection : « Je savais que Rennes construisait un beau projet et je me suis décidé à envoyer un message à Yann. La réponse a été quasi-immédiate et nous avons convenu de nous rencontrer. Comme le hasard fait bien les choses, j’ai au même moment, repéré une annonce de reconversion pour les ingénieurs généraux vers l’informatique, à Rennes. Les planètes semblaient s’aligner… Pour l’anecdote, j’ai d’ailleurs passé les deux entretiens, avec le REC et donc Sopra Steria, où je suis encore aujourd’hui, le même jour. »
« Même sans pouvoir autant s’entraîner que les pros à 100 %, il parvient à être performant et régulier »
Promu en Fédérale Une, le REC a besoin d’expérience tout en donnant sa chance à un élément n’ayant pas encore pu s’imposer dans la durée. Ce sera le cas pour Baptiste Le Jallé, qui devient rapidement un élément clé du XV réciste. Sa puissance, son dévouement mais aussi sa lecture du jeu, héritée des années passées en troisième ligne, persuadent rapidement les coaches d’accorder leur pleine confiance à ce beau bébé d’un mètre 85 pour 107 kg. A son sujet, Kévin Courties ne tarit pas d’éloges : « Baptiste, hors terrain, c’est un taiseux, un gars qui écoute et comprend très vite. Sur le terrain, c’est du granit, il est solide, quoi qu’il arrive. Même sans pouvoir autant s’entraîner que les pros à 100 %, il parvient à être performant et régulier. C’est un joueur de devoir, une assurance tous-risques pour l’équipe. Son profil de très gros défenseur et de très bon soutien offensif en fait une clé de notre jeu. Il a une bonne formation de base, est très intelligent et n’a pas besoin de 10.000 explications pour comprendre une tactique. C’est un soldat sur lequel nous pouvons nous appuyer aujourd’hui, et bien sûr demain. En revanche, c’est loin d’être le meilleur joueur de tarot de notre groupe… » (rire) Après une première année superbement réussie, avec une place en play-offs bien que promu et une victoire inoubliable sur la pelouse du Stade Nantais, la seconde saison rennaise fut plus compliquée puis coupée net par le Covid.
La troisième, elle, se résuma à quatre petits matchs. Repartis enfin pour de bon en septembre dernier, avec un groupe où l’ancien Vannetais fait figure d’ancien, les Rennais sont dans le vrai avec un début de saison comptablement canon. Pour autant, le pilier rennais ne s’enflamme pas : « C’est certain qu’avoir autant gagné d’entrée, c’est parfait au classement mais nous sentons que nous ne sommes pas encore à 100 %, qu’il y a encore du travail. C’est à la fois une source de frustration mais aussi de motivation pour travailler encore plus car ce groupe a de grosses qualités ! » Le goût du travail, un leadership tranquille, discret, se traduisant plus dans les actes que par les mots et un épanouissement professionnel total à Rennes, où les projets se dessinent et l’ambition reste intacte et mesurée. Désormais Rennais et « habité du devoir de défendre les couleurs de la ville mais aussi de la région à chaque match, ce supplément d’âme donnant l’envie d’aller au contact et d’être à 100 % en permanence », Baptiste Le Jallé ne se fixe pas de limites et espérer continuer à grandir en même temps que son club de cœur. Histoire de savourer aussi les vacances sur la côte, à Muzillac comme à Dinard, et d’en profiter pour s’améliorer au tarot.