Hand – CRMHB : Junior Tuzolana à l’heure de se faire un prénom dans l’élite

Auteur d’un début de saison prometteur avec Cesson, Junior Tuzolana, issu d’une famille 100% hand, semble enfin tutoyer son ambition de s’installer durablement au haut niveau après avoir franchi les étapes une à une et même renoncé à une carrière dans le foot. Un parcours atypique qui mérite le détour !

Dans les tribunes de la Glaz Arena face à Limoges, Jean-Kévin Augustin, footballeur aujourd’hui joueur pro au FC  Nantes formé au PSG puis passé par Leipzig ou Monaco, est épaté. La proximité du terrain, les remplaçants qui haranguent leurs coéquipiers ou encore la beauté du handball en mettent plein les yeux à l’ancien espoir du PSG. Bientôt Nordi Mukiélé, aujourd’hui à Liverpool ou Adrien Rabiot, milieu de la Juventus, internationaux A, viendront peut-être eux aussi encourager Cesson mais surtout Junior Tuzolana, leur pote de longue date.

« Greg Cojean a été le premier à me donner ma chance »

Si « JKA » est originaire comme Junior (Plaisir, dans le 78) de région parisienne, c’est au centre de formation du PSG que les amitiés se sont nouées : « J’ai longtemps hésité entre le foot et le hand. Le hand, c’était la famille, j’allais toujours voir mes oncles jouer dans les salles. A 12 ans, j’ai choisi le foot car il fallait faire un choix. Après une détection, j’ai intégré le centre de formation du PSG. J’étais milieu relayeur. Cela a démarré l’année où les Qataris sont arrivés. » Nous sommes en 2011 et le neveu d’Audräy et Francis Tuzolana, anciens joueurs reconnus de LNH, semble tourner le dos à la tradition familiale. Et puis non : « Très vite, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. Même à 11-12 ans, nous étions scrutés, observés ou jugés en permanence. C’était tout sauf du jeu, avec une concurrence terrible. A cet âge, il doit y avoir du plaisir, des copains, du partage mais là, on te demande déjà d’être un adulte… J’ai arrêté au bout de neuf mois et même près de dix ans plus tard, je n’ai aucun regret. »

Ce qu’il a gardé du foot, ce sont les copains, fidèles, certains étant désormais des amis proches. Du hand, qu’il démarre dans le club familial à Plaisir, des valeurs de partage, de dépassement de soi et de communion avec le public. Il retrouve la petite balle pégueuse et son aile gauche à Dreux, où il régale sous les ordres de son oncle avant de retourner s’éclater avec les copains à Plaisir, en U18 nationaux. Pas de pôle de formation ou de centre de formation donc, mais un lever de rideau qui va tout changer : « Nous jouons avant un Tremblay-Nantes. Je réussis une grosse performance ce jour-là et Grégory Cojean me repère. Nous sommes en 2015 et le HBCN me propose par la suite d’intégrer le centre de formation. Rock Feliho est l’un des meilleurs amis de mon oncle, je n’ai pas hésité et j’ai tenté ma chance. J’avais un contrat d’un an pour faire mes preuves quand les copains du centre avaient une convention de trois ans. J’ai mis tout ce que j’avais ! »

Alors en N1, l’ailier gauche réussit une belle saison entouré des copains « Violet et Jaune ». De quoi convaincre le club nantais de prolonger son « pari » sur un joueur s’étant construit hors des radars habituels. Les entraînements disputés avec les pros donnent envie d’aller plus haut mais la concurrence est trop forte et la dynamique trop bonne pour faire place à la jeunesse dans les rangs de Thierry Anti lors du second acte : « C’était à la fois frustrant, car on a forcément envie d’y aller, mais comment être aigri quand on voit le niveau qu’affichait l’équipe, qui a vécu à ce moment-là ses plus belles saisons ? » Bien que finalement très peu utilisé dans l’élite, le jeune ailier garde un affect pour son coach d’alors : « Greg, c’est particulier. Il a été le premier à me donner ma chance. Il m’a fait grandir comme joueur mais aussi comme homme en me disant toujours les choses comme il le fallait. Il m’a fait confiance et m’a ouvert la porte en prenant de vrais risques. Je sais tout ce que je lui dois. »

La fin de l’histoire se profile sur les bords de la Loire et Istres se présente, pour un rebond en Lidl Starligue. Là encore, il faudra prouver : « Le club m’a proposé un an de contrat stagiaire pro, pour faire mes preuves, avec la certitude de m’entraîner avec l’équipe une mais sans aucune garantie d’évoluer en championnat. Tout s’est superbement passé pour moi et au bout de quatre mois, j’ai signé mon contrat pro et je n’ai jamais quitté le groupe. » La bande de Gilles Dérot se maintient et Junior Tuzolana semble enfin lancé. Et pourtant…

« Pour faire une belle saison, il faut 14 titulaires en puissance »

Lors de la seconde saison, 2019-2020, l’ancien Nantais reste dans les rotations puis le Covid intervient et sonne la fin de l’histoire, au grand dam d’un joueur pourtant en progrès constants. « J’ai appris que je n’étais pas reconduit puis le championnat s’est arrêté. Je suis remonté à Paris dès le lendemain de l’annonce de l’interruption du championnat sans jamais retourner en Provence. La fin me laisse des regrets, surtout dans la forme… »

Fini le Sud et place, pour quelques mois, à une épreuve nouvelle, le confinement : « Sincèrement, cette période m’a presque fait beaucoup de bien. Depuis des années, je sacrifiais tout pour réussir dans le hand et je ne voyais plus beaucoup la famille. Je pense que cette épreuve nous a permis de nous recentrer, de donner de vraies valeurs et le sens des priorités. Le sport, c’était très loin de mes préoccupations, ce qui comptait, c’était de sortir au plus vite de ce cauchemar. J’ai pu me rapprocher de mes quatre frères et sœurs, nous avons beaucoup discuté, joué à la console, aux jeux de société. Je suis d’ailleurs assez mauvais perdant. J’aime aussi jouer en solo, à Football Manager, ma passion inavouable ! Je pourrais passer des nuits entières à coacher le PSG pendant deux trois saisons avant d’aller me challenger sur des petites équipes. Cela m’a parfois valu des petits yeux le matin à l’entraînement. »

Le moment venu, il faut donc retrouver un nouveau challenge pour le bondissant ailier gauche, qui atterrit à Pontault-Combault, en Proligue. Au contact de Chérif Hamani, le plaisir est de nouveau là, les belles prestations aussi : « Je marche à l’affectif, j’ai besoin de cela pour tout donner et avec Chérif, ce fut vraiment une très belle rencontre. » Les  « Jaune et Bleu » iront jusqu’aux barrages où ils échouent de peu pour la montée. Dans la saison, deux matchs amicaux à Cesson à la trêve hivernale et une nouvelle prestation très convaincante achèvent de convaincre les Bretons d’enrôler le joueur, suivi depuis un long moment, six mois plus tard :  « On a discuté à cette occasion, le courant est bien passé. L’été précédent, j’avais failli signer en doublure de Sylvain Hochet mais le club avait alors donné la priorité aux jeunes. Cette fois-ci, cela s’est acté. »

Depuis début juillet, Junior Tuzolana s’habille de la marinière des Irréductibles, avec succès. Contre-attaquant redoutable, joueur ultra-spectaculaire au jump épatant qui se termine quasiment dans les bras du gardien adverse dans les buts, son activité, son volume et son envie permettent non seulement au cap’tain Hochet de souffler mais aussi d’offrir davantage de variété dans le jeu sur les ailes. Dans un système désormais basé sur les attaques rapides, l’ancien milieu de terrain du PSG excelle et régale, jouant avec une Glaz Arena enfin prompte à s’enflammer. Quand il est sur le banc, le joueur n’est jamais assis et pousse ses coéquipiers, jouant avec la foule, hurlant sa joie sur chaque but. Un état d’esprit exceptionnel et positif, qui sublime les performances : « Dans ce groupe, je me sens super bien. Quand on voit la qualité de l’effectif sur le papier, poste par poste, je suis convaincu qu’il y a matière à faire beaucoup mieux qu’un simple maintien et le début de saison, tant par les résultats que par la qualité du jeu à domicile, va dans ce sens. Ici, les mecs jouent les uns pour les autres. Il y a une diversité de profils et chacun peut amener sa pierre à l’édifice. Je ne suis pas venu comme simple doublure qui est là pour relayer Sissou quand il a soif. Je suis là pour le compléter sur le poste, on se challenge, on se bouge et se pousse à être meilleurs l’un et l’autre. Dans le hand moderne, on ne peut plus s’appuyer sur 7 joueurs et des remplaçants pour faire une belle saison, il faut 14 titulaires en puissance. Les complémentarités sur le même poste et entre les postes est là et j’espère que nous allons durer ! »

Durer, le numéro 23 cessonnais espère bien également le faire en Bretagne, où il se sent bien et compte continuer d’inviter ses potes footballeurs du centre de formation du PSG pour les convertir à la folie du hand, teintée de « Glaz ». Après avoir avalé des couleuvres et franchi les obstacles, l’heure semble enfin venue pour Junior Tuzolana d’inscrire à son tour son prénom dans le livre du handball français aux côtés de celles des tontons, pour le « Plaisir » et sans jamais se départir d’un sourire déjà adopté par tout un club et ses fidèles supporters !