S’il est parfois compliqué d’écrire après une défaite où le spectacle fut tellement affligeant que les mots ne viennent pas, pris dans un béton armé d’incrédulité, de honte et de vide intersidéral, l’inverse prévaut aussi, Daniel… Non, nous n’aurions hier pas aimé être de ceux qui devaient analyser et comprendre comment Lyon, auto-proclamé « mastodonte » de notre ligue 1, s’est ramassé en recevant une « Masterclass » lors de son périple en Bretagne. Ce lundi, nous sommes de ceux qui ont l’honneur et le devoir de contempler et de raconter un chef d’œuvre, de transcrire par les mots notre émotion devant un récital aussi abouti et solaire, qui fit hier oublier à tous le froid, le masque ou même le bashing entamé envers ses propres joueurs quelques jours plus tôt, allant même jusqu’à siffler certains depuis là-haut, sur la colline du jugement parfois impromptu et trop rapide, même si pas déconnant sur l’instant. Tous sont redevenus rois hier, le temps d’une soirée qui restera dans les mémoires.
Lovro Majer est « The Artist »
Dans le foot, c’est un incontournable : pas de grand match sans un grand joueur qui le marque de son empreinte et y inscrit dans les mémoires pour des décennies son patronyme en lettres dorées. Il y eut Frei lors du 4-3 resté dans les mémoires contre l’OM, Mika Pagis déjà face à l’OL (3-0) ou Eduardo Camavinga, plus récemment, face au PSG en 2019 (2-1). Désormais, vous pourrez ajouter à la liste Lovro Majer, étincelant face à l’OL ce dimanche. En couple avec le ballon auquel ses pieds soyeux offrent amour et sécurité, tout en le sublimant à chaque touche, l’international croate a offert à la France du foot, mais sans doute pas que, le pourquoi du comment de sa venue en Bretagne. Ceux qui riaient gras du recrutement opéré par Florian Maurice cet été sur ce jeune milieu de terrain croate ont sans doute été parmi les plus dithyrambiques à l’issue de la partie. Non, l’ancien directeur du recrutement lyonnais ne s’est pas trompé, n’en déplaise à ses détracteurs. On leur pardonne. Louche sur le second but pour Gaëtan Laborde, décalage, passements de jambes à gogo, sens du jeu délicieux et avant-dernière passe décisive sur les deux buts d’Adrien Truffert, la partie en « Lo Majeur » offerte à ensorcelé des lyonnais réduits à la condition de petits soldats de plomb face à « The Artist ». Un but inscrit aurait été de trop mais les tentatives montrent que le garçon sait aussi y faire en la matière. Dans l’attente de faire trembler les filets, l’ancien milieu de Dinamo Zagreb laisse ainsi penser qu’il peut être encore « Majer ». On en salive d’avance !
Et comme le chef d’orchestre a entraîné de son sillon à la perfection tous ses petits copains de l’orchestre, c’est une équipe On-Fire qui a dominé un Lyon devenu chaton, apeuré et finalement logiquement dépassé bien qu’ayant longtemps retardé l’échéance par son seul joueur digne du maillot hier, Anthony Lopes. Juninho essayait de jouer les beaux-perdant mais ne pouvait s’empêcher de pleurnicher en après-match, expliquant que Rennes avait manqué de respect sur les dernières minutes. Archi-faux ! Rennes en a manqué tout au long de la partie ! Oui, les joueurs de Bruno Genesio ont été insolents d’agressivité, de talent, d’envie et de qualité technique et collective du début à la fin. Oui, les « Rouge et Noir » auraient du respecter l’OL et lui flanquer un 8-0 plutôt qu’un petit 4-1 réellement bien payé tant l’écart entre les deux équipes fut abyssal ! L’exceptionnel Gaëtan Laborde n’est pas qu’un buteur de très haut niveau, il est aussi un partenaire totalement dévoué qui multiplie les pressings, les courses et les appels, loin de se préoccuper de ses stats. Un régal. Le milieu à trois, idéal pour mettre Majer en position au plus près de l’attaque, fonctionne parfaitement avec les deux ex-angevins, Baptiste Santamaria et Flavien Tait, hier énormes chacun dans leur rôle, le verrouillages pour l’un, les détonations et inspirations pour le second. En défense, Nayef Aguerd a parfaitement dirigé une défense impeccable où le jeune Omari épate de sortie en sortie. Le « Professeur » n’aurait pas renié un tel plan pour réussir le coup de la fin d’année et Bruno Genesio, même sans les lunettes et la barbe de Sergio, a réussi un sacré casse avec classe face à un « gang des lyonnais » réduit à se chamailler pour un pénalty anecdotique au fond du temps additionnel.
Bravo, Monsieur Bruno Genesio
Oui, il y a aussi dans cette démonstration magnifiée par les latéraux Hamari Traoré et Adrien Truffert, buteurs et symboles du carton rennais, la patte de Bruno, et non Pep, Genesio. Cet entraîneur qui doit toujours faire plus que les autres pour être reconnu, adoubé et salué. Dans nos colonnes, avant cette partie de rêve, nous soulignions déjà les mérites d’un coach très souvent inspiré contre les gros et de plus en plus efficaces face aux « petits ». Nous sommes rejoints dans l’ode par nos confrères nationaux qui via les réseaux sociaux, enflamment l’ancien coach de l’OL , oubliant quolibets, moqueries souvent gratuites et parfois ironie maintes et maintes fois affichées envers lui. Opportunisme de l’instant, quand tu nous tiens… S’il ne jouit pas encore de l’affection et de l’aura que pourraient lui conférer ses excellents résultats à la tête du Stade Rennais depuis son arrivée, l’ancien milieu de terrain années 90 aujourd’hui sur le banc breton, montre avec ce succès qu’il est aussi un fin tacticien, qui su hier se réinventer avec un 4-3-3 ultra complémentaire et pertinent quand le « génie hollandais » Peter Bosz s’attendaient à l’évidence à un 4-4-2 étudié sur le bout des doigts. En vain. Et dire que cette claque magnifique a été donnée sans aligner au coup d’envoi ni Jérémy Doku, ni Kamaldeen Sulemana ?
Reste désormais à confirmer, ne pas se laisser griser et surtout, ne pas voir cette seconde symphonie de la saison, après celle tout aussi passionnante livrée contre Paris, sans suite. Il faut désormais assumer le statut et le niveau de ce Stade Rennais qui reste sur dix matchs sans défaite toutes compétitions confondues, avec huit victoires s’il vous plait ! Avec tant de richesses et de partitions différentes, le club breton n’a aucun complexe à nourrir et peut, au contraire, voir grand sans être arrogant ni irrévérencieux face aux supposés pontes de notre championnat. Mélomanes avertis, prenez rendez-vous : avec de telles prestations renouvelées dans les semaines à venir, c’est une autre petite musique qui pourrait bien faire son retour au Roazhon Park la saison prochaine, cette fois-ci avec le public et l’expérience d’une première fois difficilement vécue. Hier, l’ivresse était totale, le flacon saveur Ligue des Champions. On en redemande dès le retour de la trêve internationale, de nouveau à la maison face à Vitesse puis Montpellier !