Yann Genty ne changerait rien pour tout l’Or du monde !

C’est un fabuleux destin, pas aussi édulcoré que celui d’Amélie Poulain, mais tout de même ! A 39 ans, l’ancien portier des Irréductibles, passé à Cesson entre 2012 et 2014, a remporté le titre suprême avec l’Or Olympique à Tokyo. Une consécration au crépuscule d’une carrière rondement menée entre valeurs et amour du jeu. Et une heure d’entretien en or, sans chichi avec un homme resté le même !

Ils avaient sans doute imaginé des célébrations à leur image, folles, sans retenue, délirantes… Il n’en fut rien… Peut-être à cause du huis clos, de la fatigue ou plus sûrement, parce que l’émotion était bien trop forte pour tolérer la moindre mise en scène d’une joie presque intime, dure à décrire et qui pourtant, ne demande que l’éruption. Sur le podium, médaille au cou, le solide que l’on connait, Yann Genty, est redevenu un gamin : « Etre champion olympique, tu en rêves quand tu es gamin, c’est ce graal qui restera inaccessible pour 95 % des joueurs. Et puis finalement, voilà, tu es là, avec l’hymne, les copains à côté de toi, les jeunes, les vieux. Et tu « chiales », inévitablement, toutes les larmes de ton corps, parce que celui-ci ne peut plus rien retenir. C’est une apothéose, le sommet absolu et on aimerait ne jamais avoir à redescendre… ».

« POUR MOI, LES BLEUS, C’EST TERMINÉ. IMPOSSIBLE D’ALLER PLUS HAUT »

Moins d’un mois après la fabuleuse épopée victorieuse des Bleus à Tokyo, le second gardien de l’équipe de France et ancien cessonnais a encore les trémolos dans la voix et les frissons. D’abord quand on lui rappelle cette finale remportée contre les Danois, tout en maîtrise, jusqu’à une fin de match étouffante où les Scandinaves poussent et ont, via Mikel Hansen, son partenaire au PSG, le ballon du 23-22 à 5 minutes de la fin sur jet de sept mètres : « Il m’en avait mis deux avant, dans le match, où j’étais tout près… Face à Mikel, tu n’as pas le choix quand tu as mon gabarit, tu restes sur ta ligne et tu choisis un côté, en ne lui laissant que deux options, droite ou gauche. Cette troisième fois, ça a fonctionné… Je ne l’ai pas chambré mais je sais que dans sa tête, il savait déjà que ce loupé-là allait faire très mal pour eux… De notre côté, avec Vincent, nous sommes restés dans notre match, concentrés. Le fait d’évoluer ensemble en club a forcément facilité les choses. » Un binôme régulièrement remis en cause par les médias, peu épargné mais qui a choisi le travail et la médaille comme réponse : « Le traitement général de notre équipe fut dur… Certains oublient d’être derrière le maillot Bleu, son pays et préfèrent les buzz, c’est comme ça. Les comptes, on pouvait les faire à la fin, pas avant que cela ne commence. Mais cette victoire collective fut une belle réponse. ». Un moment de joie, de partage, jusque dans les vestiaires où l’émotion restera aussi intense que sur le podium : « Je repense à Niko Karabatic qui vient me voir, me prend par le cou et me dit « Voilà, tu l’as fait mon gars, tu l’as aussi ta médaille ! Les anciens comme lui, son frère, Mickaël Guigou ou Luc Abalo étaient presque encore plus émus heureux de cette médaille que nous, heureux que les jeunes arrivés dans le groupe et encore non médaillé, ou un vieux comme moi, connaissent cela à leur tour. Cela restera gravé à vie, nous sommes frères de sang, unis pour toujours par cette victoire. Nous-mêmes ne savions pas de quoi nous étions capables et finalement, nous allons au bout… ».

Cette aventure, le portier du PSG, où il est arrivé il y a un an, aurait pu ne jamais la vivre, lui qui n’a connu sa première sélection le 24 mai…2019, il y a à peine plus de deux ans : « Arriver aussi tard en équipe de France, c’est un peu dingue, c’est vrai mais cela montre aussi que le travail paie même tard. A Chambéry, j’ai bossé dur, j’ai vécu une fabuleuse histoire avec une bande de potes. La cerise sur le gâteau est arrivée avec l’équipe de France et la coupe de France avec Chambéry le lendemain de l’annonce… Alors jouer et gagner les J.O, vous imaginez bien que ce n’était pas vraiment au programme… Finir comme ça, il n’y a pas mieux. » Finir, vraiment ? « Pour ce qui est de l’équipe de France, oui, j’arrête là, je ne pourrais plus jamais connaître rien de semblable. En revanche, j’ai encore la « dalle », l’envie d’aller à la salle d’entraînement, de m’éclater chaque semaine en championnat. »

LA BRETAGNE ANCRÉE AU CŒUR À VIE

S’il lui reste un an au PSG, club où il a découvert, là aussi sur le tard, le très haut niveau du professionnalisme qui l’éloigne aussi un peu d’un handball plus humain pour lequel il a toujours vibré, Yann Genty en a encore sous la main : « J’espère vivre une meilleure seconde saison au PSG, où ce ne fut pas simple mais mieux sur la fin de saison. Dans un an, au moment de quitter Paris, je privilégierai, quoi qu’il arrive, l’histoire que l’on me racontera. Encore faut-il me proposer quelque chose, savoir ce qui peut encore faire vibrer un gars comme moi et ne pas s’arrêter aux préjugés de l’âge ou du salaire, sous prétexte de mon club actuel… Si on ne pose pas la question, on ne sait pas… Peutêtre que le minimum, si l’ambiance et le projet me plaisent, suffirait… ». Taulier à Chambéry pendant six saisons après avoir débuté à Billère en 2006 et s’être révélé à Istres, Yann Genty n’a rien oublié de Cesson et de la Bretagne. Au moment de l’évoquer, on sent une marée de souvenirs l’emporter, avec une émotion différente de celle d’une médaille mais tout aussi tenace et dure à contenir : « J’ai vécu deux années magnifiques au CRMHB, vraiment. Nous avions une bande de pote incroyable, une amitié qui a fait que chacun, je pense, évoluait au-delà de son vrai niveau. Nous nous éclations, en première, seconde et troisième mi-temps ! Nos femmes s’entendaient bien, parfois, on se relayait pour garder les enfants des uns ou des autres. J’ai gardé des potes pour la vie là-bas, sur et en dehors du parquet, mon fils est né à Saint-Grégoire. Alors oui, Cesson, je pourrais t’en parler des heures… ». Au rayon des souvenirs, l’inoubliable victoire à Montpellier où Yann Genty multiplie les prouesses et Benoît Doré les buts, le retour en bus de Sélestat bien arrosé dans un tout petit bus pas vraiment adapté pour de grands gaillards ou encore les aprèsmatchs chez Romain Ternel, à côté de la Valette. Il y a aussi Nicolas Lemonne, « un modèle qui m’a tant appris », les grognards « Mathieu Lanfranchi et Ben Doré qui nous pourrissaient dès neuf heures du matin pour une passe ratée, des malades sur le terrain mais des crèmes en dehors » ou encore les fameuses caisses noires restées dans les annales à La Baule et Carnac mais « ce qui s’est passé là-bas restera là-bas… ». La liste serait longue et aurait pu l’être encore plus, et c’est peut-être là le seul regret du portier né à Enghien-les-Bains : « En 2014, nous sommes proches de l’Europe et je rêve de la découvrir. C’est pour cela que je quitte Cesson même si l’intention première était de poursuivre. En prolongeant cette équipe, je suis sûr que nous y serions arrivés. J’avais demandé à l’époque quatre ans de contrat. J’avais 32 ans, on m’a répondu que j’étais trop vieux… ». La suite donna tort pour cette fois-ci au club cessonnais que Yann a toujours suivi depuis cette époque avec tendresse : « Bien évidemment, quand le club a connu ses saisons très difficiles, ce n’était pas marrant de les jouer, de voir les potes malheureux ou en galère. L’année de la descente, c’était vraiment palpable, même en tant qu’adversaire. Quand je suis revenu en juin dernier avec Paris, j’ai senti que c’était reparti dans le bon sens, il y avait du plaisir de jouer, de l’envie d’attaquer, de défendre, au-delà dusimple résultat.

Gagner ou perdre, c’est le sport mais si on ne prend pas de plaisir, à quoi bon ? Notre ingrédient principal, à l’époque, c’était ça, l’amitié, le plaisir et j’ai la sensation qu’il est revenu du côté de Cesson… ». Garant de ces valeurs, le champion olympique pourrait-il ainsi imaginer un retour en Bretagne et partager son vécu avec le groupe CRMHB en construction ? « Je ne sais pas… Retrouver l’ambiance, les copains, cet état d’esprit bien sûr, ce serait oui mais le handball et les hommes ont changé. Et puis je ne suis pas le seul à décider et encore faudrait-il que le club et ses dirigeants le souhaitent. J’étais déjà trop vieux à 32 ans alors aujourd’hui… Mais même sans y jouer, je souhaite évidemment le meilleur au club et à ses supporters que je n’ai jamais oublié ». Eux nonplus sans doute, comme ils ne manqueront pas de saluer le premier champion olympique de l’histoire passé par Cesson le 7 avril prochain à l’occasion de la 23ème journée de LMS et de la venue du PSG et lui, de retrouver des copains bretons pour la vie !