Ce dimanche, enfin, le public, 22567 spectateurs, a pu retrouver son moment, sa raison d’être, « son » Roazhon Park, à l’occasion de la première journée de Ligue 1 Uber Eats. Le partage des points avec Lens, logique, ne souffre presque pas de contestations, les Artésiens s’étant montrés à la hauteur de leur belle saison écoulée et les Rennais encore incomplets tant en effectif que dans le contenu. Mais pour autant, doit-on vraiment déjà tirer à boulets « Rouge et Noir » dans tous les sens, comme vu depuis hier, sur ses propres ouailles ? Rassurez-nous, il n’y aura pas de bouteilles jetées sur les joueurs lors de la venue de Nantes le 22 août prochain, comme lors du Montpellier – OM de ce dimanche soir ?
Les sifflets sur le Bro gozh ma zadoù sont évidemment lamentables mais probablement minoritaires et dus à la jalousie logique d’un si bel hymne ou à une hydratation exagérée pour certains, malgré les règles en vigueur. Passons, il n’y eut ni banderoles, ni autres calomnies innommables méritant une insurrection contre ce public lensois en majorité admirable.
En revanche, comment peut-on lire, après 90 minutes de jeu effectives en Ligue 1, de telles critiques ou constats catégoriques pour les plus constructifs voire insultes pour d’autres à l’encontre des rennais Nayef Aguerd, Eduardo Camavinga ou Alfred Gomis ? Devons nous jouer si tôt contre notre camp, sans la moindre patience ou tolérance ? Avec la nouvelle règle instaurée ces dernières années sur ces six mètres joués à trois dans la surface, totalement incompréhensible, tout le monde veut faire du « Barça Made In Guardiola » mais même par les plus grands, au cours des décennies passées, n’ont pas tous réussi cela.
On le sait, Alfred Gomis n’est pas le meilleur gardien de Ligue 1, ni au pied, ni avec les mains mais n’a pas été recruté en tant que tel. Succéder à Mendy n’est pas mince affaire et les difficultés sont toujours réelles pour l’ancien dijonnais. Mérite-t-il pour autant d’être attaqué à ce point ? Que la concurrence soit installée oui mais pour autant, essayons de rester constructifs. Allumer sans cesse un joueur occupant un poste si prépondérant et nécessitant un maximum de confiance ne pourra en tous cas pas aider. Et s’il fallait le remplacer, par qui ? Ce manque de confiance rejaillit inévitablement sur les défenseurs, on l’a vu contre Lens mais pour le moment, Gomis est le choix du club sur ce poste. Et d’autres postes semblent plus prioritaires, plutôt à juste titre…
Ce qui arrive à Nayef Aguerd sur ce match (avec quelques autres relances manquées mais aussi la première, réussie, avant l’ouverture décisive de Flavien Tait sur le premier but) ne doit pas occulter les qualités évidentes du JEUNE (faut il le rappeler, visiblement) défenseur international marocain, aujourd’hui prisé en Premier League. Nul besoin d’envoyer à la cave ou sur le tarmac pour le prochain vol ce joueur à la mentalité exemplaire en constants progrès depuis un an, qui n’a finalement fait qu’appliquer la consigne demandée par son coach, comme celui-ci l’expliqua honnêtement en conférence de presse. Le public rennais, si souvent flatté, à raison, ces dernières années, a le recul, le vécu, l’expérience des années difficiles et des joueurs moyens passés dans ses rangs pour prendre un peu de hauteur sur un résultat ou un contrôle raté ! Un peu de mansuétude et d’auto-dérision, si propres à nos terres, feraient beaucoup plus de bien. Du moins on vous le souhaite, comme dirait l’autre.
Eduardo Camavinga, enfin, semble ailleurs, c’est un fait, compréhensible même si dommageable. A même pas 19 ans, le gamin traîne sur ses épaules une pression inhérente à ce qu’est devenu son supposé « statut » dans le foot d’aujourd’hui, même si bien sûr, cela fait partie du métier. Il n’empêche… Pression des agents, des clubs, des commissions, ou d’un football français qui construit son modèle sur la vente de joueurs plus que sur le développement d’une marque ou d’un style de jeu, et qui se retrouve de fait constamment (même si c’est largement moins le cas à Rennes) dans l’obligation de vendre ses meilleurs joueurs formés à la maison pour entretenir son business. Florian Maurice a prévenu, le joueur partira s’il ne prolonge pas et à un coût respectable. Mais pourquoi le jeune homme prolongerait-il alors que les plus grands clubs seront accessibles dans six mois, qu’il n’aura plus qu’à choisir ? En quoi doit-il assurer l’avenir financier de son club, lui qui a pour rôle d’être un joueur sur le terrain et non un actif financier ? A force d’être banalisé, le terme foot business devient Business foot avec des supporters en plein « Football Manager » version réelle… Bien sûr le joueur doit à son club formateur de performer mais pas de lui permettre de battre des records de vente. Le système de protection de la formation à la française, bien au-delà du Stade Rennais, est à revoir… Les agents du joueur, eux, qui sentent la bonne affaire arriver sur le plan financier ( et le sportif, dans tout ça ?) seraient bien inspirés d’aider le joueur à retrouver son football avant de trouver le contrat mirobolant dont ils rêvent peut-être encore plus que « Cama » lui-même… Le débat est large, idéologique, et déchaînera sans doute les passions avec de très bons arguments pour et contre, même si personne n’a tous les tenants et aboutissants de l’affaire. La réalité, c’est celle d’un jeune homme semblant à la recherche de son football, en manque de certitudes, qui perd peu à peu de la spontanéité, de sa fraicheur mais aussi de son niveau tout en voyant diminuer sa cote de sympathie auprès d’un public de moins en moins patient vis à vis de lui. Mais est-ce encore important dans la réflexion menée depuis des semaines dans le but de partir ? Hélas, pas si sûr…
La critique, même dès les premières minutes de la saison, reste bien sûr indispensable au débat, à l’amour d’un club, afin de le voir avancer, progresser mais celle-ci peut aussi s’accompagner d’un peu de nuance et d’acceptation du moins bien, voire de l’échec. Si quelques sifflets isolés ont été entendus en ce beau dimanche de retrouvailles, le public du Roazhon Park a été à la hauteur de la reprise du championnat, comme son équipe qui est encore en rodage et surtout, en pleine construction. Nous voici repartis pour neuf mois et demi de joutes nationales où les excellents moments succéderont aux plus difficiles : autant être tous unis dès le départ derrière une équipe qui n’a rien lâché et qui a aussi montré quelques promesses des plus encourageantes qui soient avec les trois recrues alignées, Meling, Badé et Sulemana. Le mercato va encore durer quelques semaines, gageons sans prendre trop de risques que le meilleur est à venir, même avec quelques loupés ou incertitudes. N’est-ce d’ailleurs pas là le mot caractérisant le mieux le sport et tout ce qu’il peut engendrer chez ses fervents supporters ? En tous cas, on vous le souhaite.