Difficile de garder le fil d’un projet, le contact avec ses joueurs, la motivation. Ce quotidien d’entraîneur forcé à l’arrêt depuis novembre est celui de Pierre Le Meur, coach du CPB handball. Remise en cause, interrogations sur des lendemains incertains, vision du métier : une heure d’échange pour un constat : vivement le retour sur les terrains… oui, mais dans quelles conditions ?
Depuis bientôt sept mois, l’ambiance de Géniaux, sa ferveur, ses après-matchs, ne sont aujourd’hui que souvenirs. On imagine que le moral n’est pas au top ?
Ce n’est pas facile, c’est sûr, mais le pire reste l’absence de perspectives, de cap ou de dates. En un an, nous avons eu environ dix semaines de travail et c’est à peu près tout. Aujourd’hui, les matchs nous manquent, bien sûr mais pas que : les entraînements, le lien qui unit tout le monde autour d’une équipe, la compétition. La vocation même du Cercle Paul Bert est la convivialité mais aujourd’hui, comment réussir à conserver quelque chose ? On ne voit plus personne, ni ses joueurs, ses dirigeants, ou les amis et supporters. C’est difficile, vraiment.
Les premiers temps, des entraînements pour les joueurs ont-ils été maintenus malgré tout ?
Comme tout le monde, tant que la décision n’était pas tombée, nous avons essayé de maintenir une activité physique dans l’espoir de reprendre, avec puis sans ballon, parfois même derrière des écrans, en distanciel. Cela va un moment mais à un moment donné, et c’est bien normal, ça ne suffit plus. Ici, les joueurs ne sont pas professionnels, ils ont un boulot à côté et veulent faire du hand, avec les contacts, un ballon, des shoots. Sans l’objectif d’un match, d’un projet, la lassitude, inévitablement, fini par avoir raison de la volonté de quiconque, même des plus motivés… Les abdos, les squats ou les fractionnés, ça va bien dans une préparation physique mais ne faire que ça…
En tant qu’entraîneur, comment se vit pareille situation ?
On ne va pas se mentir, on s’interroge forcément beaucoup sur le sens de son action, le rôle que l’on a et ce que l’on peut encore apporter au groupe. On perd forcément un peu du Modjo qui nous anime sans la compétition et son verdict, avec la sensation que la question de notre sort, en N1, a rapidement été expédiée. A ce niveau, beaucoup de clubs ont aussi des joueurs sous contrat, même si ce n’est pas notre cas. Une décision a été prise, nous nous y sommes pliés, c’est ainsi mais aujourd’hui, les questions sont nombreuses : quand allons-nous pouvoir reprendre, dans quelles conditions, avec des joueurs, dans quel état et avec quelle intensité ? Le public sera-t-il de retour ? Pour le moment, je le répète, le plus dur est de n’avoir aucune réponse. Un entraîneur aime contrôler, avoir le maximum de paramètres à sa disposition pour connaitre et ressentir ses joueurs, mener son projet. Aujourd’hui, avec les gars, nous prenons le temps de nous appeler, de prendre des nouvelles mais cela n’a rien de comparable avec notre quotidien d’avant. Perdre prise sur son groupe, pour un coach, c’est compliqué même si j’ai la chance d’avoir de ne compter ici que sur de supers mecs !
Pour autant, point une petite éclaircie en ce mois de mai, avec un possible retour commençant à être envisagé dans les salles. Etes-vous déjà dans l’anticipation de la saison prochaine ?
Pour le moment, même si rien n’est acté par la Fédé et si aucune date n’est avancée, nous allons démarrer une phase de réathlétisation progressive en vue d’un retour dans les salles. Ce sera sans ballon au départ, nous le savons, mais l’idée est de remettre les « machines » en route, sans risquer de blessures ou de pépins. Nous jouerons dehors, essaierons de monter petit à petit en régime. J’ai un groupe de 18 gaillards qui n’ont pas joué depuis sept mois, il faudra du temps et la santé des garçons sera prioritaire sur tout objectif sportif. Pour nous, l’objectif, ce sera surtout de retrouver le lien social, les jeunes, le jeu et le plaisir de vivre le handball tous ensemble.
La construction du futur effectif est forcément impactée dans le fonctionnement CPB, basé sur le double-projet. Où en êtes-vous ?
A ce jour, un seul départ, celui de Jean-Christophe Bénard, est acté. Il était arrivé l’an passé et s’était parfaitement intégré, c’est donc à regrets que je le vois partir mais je comprends aussi son choix, dicté par son projet professionnel. D’autres garçons, actuellement, s’interrogent, notamment en fonction de leur situation professionnelle. Côté arrivées, forcément, nous sommes pour le moment en stand-by, puisqu’à l’affût des garçons issus de Proligue ou des centres de formation qui pourraient vouloir se relancer chez nous avec un projet parallèle. Nos recrutements, à toute époque, ont surtout été basés sur les rencontres humaines et les opportunités. Nous ne sommes ni riches, ni magiciens et ici, la seule motivation reste le jeu. Celuilà, nous n’avons tous qu’une hâte : le retrouver.
Tu continues d’entraîner également à Cesson au Pôle espoir masculin. Comment as-tu vécu là aussi, cette saison particulière ?
C’est forcément différent. Les jeunes ont pu continuer de s’entraîner, midi et soir mais forcément, la compétition manque également. Néanmoins, ce sont aussi de bons moments, notamment sur les échanges entre éducateurs avec Benoît Jambry mais aussi Sébastien Leriche et Mehdi Boubakar, très attentifs à nos jeunes, qui nous rendent très régulièrement visite et échangent avec nous. Pour un gamin, il n’y a rien de plus motivant que de voir le coach des pros en tribunes. On l’a vu avec les jeunes appelés en Lidl Starligue, il n’hésitera pas à faire appel à la jeunesse et c’est une très bonne chose pour nous tous.