Avec des débuts comptablement historiques, Bruno Genesio, sans faire de bruit, impose sa patte Et tire déjà le bénéfice de ses premiers ajustements. Sans faire de révolution et avec le bénéfice de tout le travail effectué auparavant, une nouvelle histoire est peut-être déjà en marche.
Il est, comptablement, l’entraîneur auteur du meilleur début de carrière sur le banc « Rouge et Noir » en Ligue 1, avec 16 points sur 24. Le record précédent détenu par Julien Stéphan n’aura donc vécu que deux ans. Faut-il s’en émouvoir pour autant, tempérer ou s’engouffrer dans la brèche invitant à (déjà) tresser les lauriers au coach du renouveau rennais ? Arrivé il y a deux mois, Bruno Genesio mérite bien sûr d’être salué pour son apport, validé par les points comme par certains changements de comportements et de rendements identifiés. Mais sûrement se dit-il lui aussi qu’il ne sert à rien d’aller trop vite, tant le travail et les résultats à obtenir restent devant bien plus que derrière lui.
Jetons d’abord un oeil sur les matchs joués. Premier constat : quand il est « favori » sur le papier, le SRFC version Genesio gagne. Aisément à Metz (1-3), Angers (0-3) ou contre Dijon (5-1), plus laborieusement contre Nantes (1-0) et Strasbourg (1-0). Face à Reims (2-2), il manqua peu de choses pour s’imposer, tout comme quelques minutes manquèrent lors du déplacement à Marseille pour ramener le point du nul. A Bordeaux en revanche, la scandaleuse expulsion de Steven N’Zonzi au bout de dix minutes n’a pu être surmontée par des Rennais malheureux mais aussi peu inspirés. Six victoires, un nul et deux défaites, avant un final ardu contre Paris, Monaco et Nîmes, l’introduction est encourageante. Le mérite en revient aussi aux joueurs… à qui, dans ce cas, on peut aussi imputer la situation d’échec précédente, ayant tout de même amené le coach précédent à se sacrifier sur l’autel de l’intérêt suprême de l’institution plutôt que de s’obstiner vers un échec possible… Côté terrain et tableau noir, comme à chaque changement d’entraîneur, ressortent les gagnants et les perdants. Dans la première catégorie, Damien Da Silva, Adrien Truffert, Flavien Tait et Martin Terrier ressortent majors de promo. A l’inverse, Faitout Maouassa, Adrien Hunou, finalement parti en MLS ou encore, à un degré moindre, Clément Grenier, James Lea-Siliki ou Yann Gboho n’ont pour le moment pas vraiment bénéficié de ce changement.
Les « 3T », évoqués dans notre édition d’avril, illustrent le changement de « visage » le plus manifeste. En temps de jeu d’abord, Adrien Truffert et Flavien Tait étant devenus titulaires dans le onze du coach. Le premier est désormais numéro 1 dans la hiérarchie du poste devant Faitout Maouassa et Dalbert, gagnant en sécurité défensive et s’invitant de plus en plus dans le jeu offensif, au-delà d’un simple cadrage-débordement. Pour autant, trop souvent gêné par des pépins physiques, Faitout Maouassa n’a pas dit son dernier mot mais traverse une vraie passe difficile. Flavien Tait, lui, renaît, dans un positionnement axial lui convenant beaucoup mieux. Un but contre Dijon, une grosse activité sur plusieurs sorties, l’ex-Angevin renaît et justifie la confiance placée en lui. Serait-ce enfin « l’heure du Tait », comme l’a titré notre confrère Vincent Simonneaux ? On ne peut que le souhaiter ! Martin Terrier, enfin, était déjà membre à part entière des compos de Julien Stéphan mais plus souvent qu’à son souhait sur le côté gauche plutôt que dans l’axe, où Serhou Guirassy lui était préféré. Récemment, le meilleur buteur rennais exprimait son plaisir à évoluer dans l’axe : « Je me sens plus utile, plus à l’aise dans une position axiale, expliquait-il dans le Télégramme courant avril. J’avais tendance à ne pas tenter assez de frappes… mais ça n’explique pas mon début de saison. Je prends plus de risques donc je suis plus dangereux. Tout est lié…»
Avec des courses dans le dos des défenses, des appels, des remises et une finition chirurgicale, l’attaquant formé à Lille montre le visage attendu de lui et permet aussi à ses partenaires d’attaque de briller, la relation avec Benjamin Bourigeaud étant un vrai délice depuis plusieurs semaines. Ajoutez à cela Jérémy Doku enfin en réussite dans la finition comme dans la dernière passe et exceptionnel face à Bordeaux, même si sans réussite, et voici une animation offensive revigorée. Serhou Guirassy répondant lui aussi présent dans un rôle différent mais précieux, le visage offensif rennais est incontestablement meilleur. La verticalité, tant appelée de tous, est un peu plus au rendez-vous avec l’ambition de déstabiliser les blocs adverses, quitte à prendre des risques qui manquaient peut-être sur la fin de l’ère Stéphan.
Défensivement, en revanche, les renversements et transitions rapides adverses font un peu moins mal qu’en janvier mais restent dangereuses et parfois fatales, à l’image des buts concédés contre Dijon, ou Marseille. Tout ne s’est pas réglé en un coup de baguette magique, certaines fébrilités sont toujours là mais l’ensemble se porte mieux. Arrivé au bout de leur capacité d’attention avec Julien Stéphan, les joueurs, qui restent les dépositaires de la vérité du terrain, regardent de nouveau vers le haut. Au-delà d’un système finalement proche de celui qui avait fait de Rennes un beau leader d’automne, la patte Genesio, c’est avant tout un nouveau discours, de nouvelles choses à prouver pour les joueurs et des résultats qui suivent. Le foot d’aujourd’hui ne tolère pas le jour sans, le passage à vide et comme son prédécesseur, Bruno Genesio sait qu’il sera attendu au coin du bois à la première série compliquée, où ce qui était à son crédit aujourd’hui sera peut-être à son passif demain… Ayant récupéré et régénéré un groupe qu’il qualifia de « triste » à son arrivée, l’ancien milieu de terrain a permis de démarrer un nouveau cycle, tout en ayant l’intelligence de conserver tout ce qui fonctionnait correctement depuis deux ans. Meurtris de leur parcours en Ligue des Champions, de l’absence du public et sans doute usés pour certains d’avoir vécu tant d’émotions puissance 1000 à toute vitesse depuis deux ans amène, les « Rouge et Noir » ont eu les batteries déchargées, à plat. Regonflés à bloc, voilà avec Paris puis Monaco, deux sommets à surmonter pour s’offrir une finale contre Nîmes en vue d’une qualification européenne. L’occasion, aussi, de valider le changement et l’évolution de l’équipe. Face à ces deux cadors à la course pour le titre, Bruno Genesio est face à son premier grand défi d’envergure depuis son arrivée en Bretagne. Optera-t-il pour une défense à 5, un système frileux ou demandera- t-il à ses hommes de la folie, du jeu avec l’absence de craintes de perdre quoi que ce soit, face aux cadors ? Le billet européen sera en jeu. Reste à savoir si celui-ci sera délivré pour l’Europa Ligue ou la nouvelle Ligue Europa Conférence…
Quel que soit le dénouement, ce nouvel accessit européen, potentiellement le quatrième d’affilée, serait le gain d’un nouvel homme, d’une dynamique forte sur le sprint final mais aussi celui de Julien Stéphan, dont la situation au classement à son départ et le sacrifice ont peut-être permis ce final. Un courage à saluer. L’héritage est valorisé, bonifié mais un sacré chantier s’annonce malgré tout à partir du 9 juin et de l’ouverture du mercato, avec une équipe risquant d’être renouvelée à environ 50% dans le terrible contexte économique bardé d’inconnues. Pérenniser les quelques certitudes acquises et travailler sur les bases saines du club, avec l’intelligence d’utiliser à bon escient ce qui est déjà opérationnel tout le bonifiant, voilà un défi qui en dira beaucoup sur Bruno Genesio. Au-delà des stats, qui lui offrent ce fameux meilleur début sur un banc, le coach rennais sait que seuls les émotions et les exploits, sur les terrains français comme européens, lui offriront une place de choix dans le Hall of Fame et les coeurs rennais. Pour cela, le temps est un allié et donnera, le moment venu, les vérités d’une nouvelle époque qui n’en est qu’à son avant propos