Après Frédéric Piquionne, Benjamin Briffe et Kabir Pene, nous poursuivons notre tour des anciennes gloires du sport rennais en nous arrêtant dans un passé très proche du côté de crubillé, antre du Rec Rugby. L’occasion d’évoquer Jérémy Boyadjis, rennais de 2018 à 2020 et aujourd’hui joueur du RC Toulon. Rugbymen sur le tard, pilier au physique impressionnant, il est l’un des symboles du Rec 2.0, en route vers « un grand destin » selon son ancien joueur, resté très attaché à la Bretagne.
«Nous étions parti pour nous installer ici. Nous regardions les terrains, avec l’idée d’acheter, de rester en Bretagne. » Malgré le millier de kilomètres le séparant de son Sud-Ouest natal, Jérémy Boyadjis, en début d’année 2020, était à mille lieues d’imaginer la suite de l’histoire pour sa femme, ses enfants et sa carrière. Une prolongation de contrat était même actée… Puis l’impensable arrive : « Quand mon agent m’a appelé pour me faire part de l’intérêt du RC Toulon, je lui ai d’abord dit de vérifier si c’était sérieux, bien réel, que j’étais engagé ici à Rennes. Il m’a rappelé un peu plus tard et confirmé la chose. A partir de là… »
Avant de se retrouver à Mayol, en Top14, Jérémy Boyadjis a bourlingué. Il démarre le rugby sur le tard, plutôt branché foot quand il était adolescent : « J’étais déjà grand et costaud, on me disait de joue devant et de faire peur aux autres ! Niveau rugby, seuls Toulouse, Clermont ou…Toulon, me parlaient… », s’amuse-t-il. C’est le temps des copains, de la déconne et de l’envie de se retrouver, ensemble, sur un terrain. Le rugby est alors majoritaire et le physique du bonhomme ne passe pas inaperçu. Ni une, ni deux, le coach de Mont-Régeaux (31) l’essaie… et l’adopte : « Il était aussi mon prof au collège. Direct, j’ai été positionné en pilier. Même si jeune, nous n’avons pas vraiment de poste, ça m’a plu. Ce que je nomme le rugby à la « One Again ». J’avais mon alternance à Toulouse, en même temps, sans prise de tête. » Sans le savoir, l’histoire est déjà dans les tuyaux pour celui qui mène de front sa formation pour devenir plombier, son autre métier.
A la sortie du dernier match de sa saison, Pau le repère et lui propose d’intégrer son équipe espoir. Après trois
années dans le Béarn, les choses s’accélèrent et Jérémy devient pro. Viendront alors succès et échecs, au gré de passages par Auch (Pro D2, 3 ans dont une descente), Rouen (2 ans, F1) et Chambéry (F1, 1an). Avec les Rouennais, il est même champion de France. Parti en Savoie, l’aventure tourne court : « Au bout d’un an, le club a eu de grosses difficultés financières et tout est tombé à l’eau. Il fallait repartir… Et Rennes est arrivé ! »
Yann Moison contacte le joueur, d’abord un peu réticent, puis très vite séduit par le discours du coach et l’ambitieux projet breton. Homme de défi, « Boya » ne se défile pas et rejoint la Bretagne : « En venant ici, je retrouvais plusieurs joueurs avec qui j’avais joué à Rennes mais aussi un cadre plaisant, un staff avec qui le courant est passé et un président qui ne fait pas de promesses en l’air, qui sait où il va et comment y arriver. » Rapidement installé dans le XV rennais, il participe pleinement à la première saison réussie du club qui évolue pour la première fois en Fédérale Une. Il découvre à Rennes une vie de groupe jamais connue jusque-là, des amis pour la vie et un plaisir total: « C’est le groupe où j’ai vécu la plus belle aventure humaine, c’était très fort, je garde de très grands souvenirs du club, de la ville, des Rennais et de la Bretagne. Même quand ce fut plus difficile sportivement, lors de la seconde période, jamais nous ne nous sommes désunis, nous étions convaincus que cela allait finir par tourner pour nous. Le staff était de haut niveau, l’expérience de Yann, la qualité de Kévin, sur tous les aspects techniques, tactiques comme humains. Je suis convaincu que le club est au début de quelque chose de grand, il manque peut-être encore un peu d’effervescence, de bénévoles en plus grand nombre pour faire encore plus mais cela va venir. »
Au rayon des souvenirs, il faudrait un livre pour tout raconter pour le nouveau Rouge et Noir du RCT : « Il y a eu les troisièmes mi-temps, les repas les uns chez les autres, l’accueil de Nico, au Coin Mousse, la victoire à Nantes lors de la dernière journée en 2019, qui nous qualifie pour les playoffs et les élimine. C’était incroyable, un délire total ! Des souvenirs avec ces gars-là, il y en a tellement… Ce club a une âme, un bel avenir. Je suis convaincu que Rennes est au début d’une grande et belle histoire !»
DU RUGBY À LA « ONE AGAIN » À JEAN DAUGER…
Celle-ci s’écrira néanmoins sans le mastodonte toulousain qui, sollicité par Toulon, ne peut refuser la proposition d’une vie : « J’en ai d’abord parlé à Kévin Courties, qui m’a dit de bien m’assurer que cela était concret. J’ai aussi pu échanger avec Yann puis Jean-Marc Trihan. Tous ont parfaitement compris ma situation et m’ont souhaité le meilleur. Je le dis le plus sincèrement du monde, si ça n’avait pas été Toulon, je serais resté à Rennes. Je voulais finir ma carrière ici… »
Dans le Var, Jérémy Boyadjis retrouve Sandrine Agricole, ancienne kiné du club également recrutée par les « Rouge et Noir » : « Sa présence fut essentielle, j’avais ma pote dans un groupe que j’ai découvert avec les yeux grands ouverts. C’était incroyable de me retrouver là, sous les ordres de Patrice Collazo, avec tous ces internationaux. Puis, au fil des semaines, on réalise que ce sont des mecs normaux, accueillants, simples. J’ai vécu un truc de fou. » Question, terrain, en revanche, ce fut tout autre chose : « En arrivant, j’étais loin, très loin du niveau requis. J’ai bossé dur, je me suis arraché et courant octobre, j’étais 25ème, 24ème. J’ai alors eu la Covid-19… Passé l’isolement, je me prépare à revenir puis nouvelle tuile avec une péricardite. Nouvel arrêt… J’ai dû passer au total un mois et demi sans m’entraîner… » Retour à la case départ donc mais «Boya» ne se décourage pas et travaille dur. Il sera finalement récompensé par une entrée en jeu inoubliable, le 21 novembre, à Bayonne (35-29), sur la pelouse de Jean Dauger : « Deux joueurs de chez nous se percutent et s’ouvrent le crâne… Je me retrouve sur la feuille après de longues palabres … Je rentre sept minutes, suis sanctionné sur une mêlée et en perd une seconde. Mais quel souvenir ! » L’Europe aurait pu aussi être de la partie mais de nouveau, pas de chance : « C’était chez les Scarlets mais à cause du Covid, le match a été annulé et nous sommes rentrés. Une opposition a alors été calée, pour rester dans le rythme…et je me suis blessé, juste avant Noël. » Verdict : une hernie lombaire, qui le tiendra éloigné des terrains trois mois de plus…
Depuis mars, Jérémy Boyadjis a repris la course et se tient prêt à rendre service, même s’il ne sera plus Toulonnais l’an prochain et évoluera en Pro D2, à Carcassonne : « Le plus frustrant, c’est cette sensation de n’avoir pas pu montrer tout ce que je valais, ou pouvais. Désormais, je me concentre pour être à 100 % pour ma prochaine aventure. » La dernière ? « Personne ne sait, surtout en ces temps avec le COVID. Qui sait comment les clubs vont surmonter et vivre tout cela et l’après… Un retour en Bretagne ? Je ne ferme pas la porte, évidemment, c’est ma région d’adoption, mon deuxième chez moi. Je n’ai que de bons souvenirs là-bas et pas une semaine ne passe sans que je n’échange avec les copains. J’espère les retrouver en jour, sur le terrain ou ailleurs et hâte aussi, d’entendre de nouveau résonner le biniou du Vélodrome… » Pourquoi pas sur la pelouse, avec ou contre le REC Rugby, dans quelques années, en Pro D2 ? « Ce serait génial et c’est tout le mal que je souhaite au club. Il le mérite et a tout pour y arriver ! »