Légende du football mondial, Xavi Hernandez rappelait, via un tweet, le rapport complexe entre les statistiques ou chiffres et l’interprétation d’un match réussi pour un joueur au travers de ceux-ci. Nous avons choisi de rebondir ce mois-ci sur cette relation ambiguë aux chiffres dans un sport que certains aimeraient imaginer science implacable. Malgré l’essor des nouvelles technologies et des pressions commerciales allant avec, les témoignages des coachs interrogés prouvent que nous n’en sommes pas encore là !
Quelle utilisation et quelle importance accordez-vous aux données transmises par les GPS et autres nouveaux outils technologiques (applications, stats, vidéo etc…), que ce soit sur les performances aux entraînements ou en matchs ?
Mehdi Boubakar (Cesson) : Aujourd’hui, nous n’utilisons pas de GPS dans le handball. Seul le PSG expérimente à ce jour un système photos-cellulaires avec des capteurs aux murs. A Cesson, nous nous appuyons sur des Polar Team pour les mesures de rythme cardiaque et l’application Mycoach, qui révèle le RPE des joueurs (Rate of Perceived Exertion, le taux d’efforts perçus). Cet outil nous permet d’avoir une évaluation par le joueur de son état de forme avant et après l’entraînement ou le match. Ainsi, nous pouvons réguler si besoin les charges de travail, avoir une lecture de l’évolution physique et morale du joueur, même si cela reste à son appréciation et selon son ressenti, le tout restant possiblement subjectif. Pour autant, nous pouvons relever un « indice de monotonie », évaluer nos séances et cela nous donne de vraies informations sur l’état de forme, pour mieux prévenir les éventuelles blessures quand cela est possible. Après, l’importance donnée à ces outils doit rester mesurée. Ce sont bien des outils et non des données visant à remplacer notre analyse ou celle partagée avec les joueurs. Alors bien sûr, le GPS est plus précis mais c’est aussi un autre coût, autour des 15 000 € pour un groupe de 15 joueurs, qui n’est à ce jour pas utilisable pour nous comme pour tous les sports de salle.
Pascal Thibaud (URB) : Chez nous, il n’y pas d’utilisation de GPS mais en revanche, nous bossons beaucoup avec les statistiques. Celles-ci sont complémentaires de la lecture que nous allons faire des événements en tant que techniciens. La statistique est une alliée, pas une vérité, qui doit être fidèle à un ressenti plus large. Il ne faut pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas. En basket, elles sont très claires : le rebond, les tirs, les contres, etc… Bastien Demeuré, mon adjoint, en compile et les ajoute à celles fournies par les officiels. Nous y ajoutons ensuite d’autres choses, comme l’avant dernière passe décisive et la passe décisive, qui vont amener les paniers par exemple. Il y a un travail d’approfondissement important à faire pour bien évaluer et interpréter la statistique. Une vraie passe décisive pour nous est comptabilisée même si le panier n’est pas inscrit. Celui qui ne transforme ne doit pas remettre en cause, par son échec au shoot, la qualité du ballon qu’il a reçu. Il y a aussi la dimension défensive. Quand on encaisse un panier, qui est responsable ? Pour tout cela, Bastien définit la part de chacun. Nous ne sommes pas menés par le dictat des mathématiques d’un côté et le subjectif de l’entraîneur de l’autre, chaque vision reste à sa place et apporte un sens à la réflexion.
Kévin Courties (REC Rugby) : Nous utilisons le GPS pour le suivi des performances physiques individuelles et collectives depuis l’année dernière. Cette saison, nous pouvons monitorer l’ensemble du collectif sur match. Cette technologie nous permet d’avoir des données métriques qui nous donnent des informations précises sur l’état physique des joueurs, leurs performances, leurs évolutions. Celles-ci peuvent nous alerter sur une blessure à venir, sur une jauge de travail à régler. Aujourd’hui, ces GPS sont un outil concret du staff, notamment pour Yoann Carnot, notre préparateur physique. Pour la partie mentale, nous travaillons avec Rugbycentric, une application similaire à Mycoach, que le joueur renseigne sur la partie mentale, motivation, état d’esprit et ressenti. Elle est très complémentaire du GPS pour offrir un panel d’éléments qui nous permettent ensuite de travailler avec de précieuses infos alliées à nos ressentis et notre vision de coach.
Quentin Marion (Rec Volley) : Aujourd’hui, dans la troisième division française de volley, nous n’avons pas vraiment la chance ou les moyens d’avoir accès aux derniers outils du genre pour travailler. Néanmoins, les statistiques sont pour moi un moyen de confirmer ou de donner des informations sur les performances de mes joueurs. Pour autant, je les utilise beaucoup plus pour la préparation des matchs, sur les équipes adverses, afin de préparer un plan de jeu le plus proche possible de ce qui « devrait » se passer.
Olivier Mantès (SGRMH) : Au handball, les GPS sont interdits en compétition. Donc peu ou pas de données à l’exception de la maison du handball qui est équipée de caméras reliées à un logiciel de suivi. La vidéo est présente en revanche au quotidien. Le séquençage des adversaires nous procure énormément de stats exploitables sur les projets de jeu.
Vincent Bréhonnet (Stade Rennais Rugby) : Le stade rennais rugby n’est pas encore doté de GPS mais cet outil me semble néanmoins intéressant pour quantifier et réguler les intensités de travail. Je le trouve également intéressant pour mesurer les zones de jeu et la qualité de déplacement par apport au projet de l’équipe. En revanche, nous utilisons un logiciel d’analyse vidéo, aujourd’hui, où seuls nos matchs sont traités. Nous éditons des stats sur la qualité de nos phases collectives. Nous pouvons également traiter des stats individuelles mais avec quel traitement de ces données derrière ? Notre staff n’est pas pro, il faut parfois aller à l’essentiel.
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