Relativiser, prendre de la hauteur, du recul… Le risque est dans doute de regarder cela de trop haut et de ne plus y voir clair ou pire, de tomber à la renverse… Hier renversants, les Rennais sont aujourd’hui dans cette posture du mauvais côté de la bascule, clairement à côté de leur football, comme l’ont eux-mêmes confirmé Damien Da Silva et Julien Stéphan dimanche soir en conférence d’après-match.
« Certainement la pire prestation de la saison » J.Stéphan
Nul besoin de revenir sur le match, il n’y aurait de toute façon rien à redire sur la victoire stéphanoise, pragmatique et parfaitement construite, avec un adversaire hélas ce dimanche trop complaisant pour compromettre le plan d’un Puel dont beaucoup se moquaient il y a trois mois mais pour lequel tous les joueurs sur la pelouse du Roazhon Park, y compris les « Lofteurs » d’hier, se sont arrachés sur chaque ballon. Une leçon de hargne, de réalisme et d’envie qui doit piquer l’orgueil d’une formation rennaise une nouvelle fois apathique balle au pied, incapable de mettre le feu ou le danger dans le camp adverse mais pire, en danger sur chaque contre-attaque adverse !
Une seule victoire en 2021, c’est évidemment trop, trop peu ! En dehors de l’heure de jeu de haut vol, comme quoi cela reste possible, réalisée contre Lyon, cette équipe affiche des maux inquiétants. La lucidité l’indique et le coach l’a confirmé hier, actuellement, le Stade Rennais n’est pas au niveau : » C’est certainement la pire prestation de la saison pour nous. Il y a beaucoup de fébrilité technique dès le début du match, pour nous, déficit aussi d’engagement. On a été battu dans les duels, on a failli dans quasi tous les domaines du jeu. On a décroché techniquement, dans l’intensité, dans l’agressivité, peut-être qu’il y a eu un décrochage mental également. Aujourd’hui, on ne peut pas nier l’évidence que c’est une contre-performance et un match raté dans tous les domaines. Il faut activer des leviers supplémentaires même si on en a activé beaucoup depuis le début de la saison pour que les joueurs retrouvent de la confiance parce qu’aujourd’hui, il est très clair qu’on a senti dès le début du match de la fébrilité. Il faut retrouver de la confiance, de la sérénité et du mordant car c’était trop tendre ce qu’on a produit. »
Ces fameux leviers ont donc déjà été manipulés plusieurs fois dans une saison où la stabilité n’a pas pris racine en terre brétillienne. Encore cinquième, grâce, notamment, au surplace des Lensois, Messins, Angevins et Marseillais, le Stade Rennais a dilapidé sa belle avance accumulée en décembre et doit désormais bien plus regarder derrière que devant. Dès dimanche prochain, à Montpellier, sur le chemin du retour en forme, il faudra une grosse réaction, sous peine de gros orage… et surtout de voir le Héraultais revenir à hauteur du SRFC. Après le match, le témoignage de Damien Da Silva, s’il eut le mérite de la sincérité, n’a pas rassuré pour autant : » Je suis en colère pas parce qu’on a perdu mais par rapport à la manière. Depuis notre match à Lyon, on est une autre équipe, carrément. C’est un autre visage. On n’est pas fier. En ce moment on n’est pas bon. On se sent faible, à la merci de toutes les équipes de L1 quand on est comme ça. On le sait c’est énervant. Si on n’a pas la bonne mentalité, qu’on ne travaille pas plus au quotidien, on devient une équipe banale. Si on en met plus, on devient une super équipe, c’est ça qui est super-énervant. Il y a cette qualité-là mais on voit que ça ne suffit pas. » Avant de préciser : « Tout se passe sur le terrain et à l’entraînement, aussi. Tout le monde doit se regarder, individuellement, collectivement, et travailler plus que ça. C’est à l’image de ce qu’on fait au quotidien. Parler, ça oui, on parle, on parle même peut-être trop. Il faut des actes. On est trop gentils sur le terrain, on manque d’agressivité et on se le dit aussi à l’entraînement et ce n’est pas bon. »
Domenech ou Girard pour « gueuler » ? Non merci !
Quelles solutions alors pour retrouver un coin de soleil ? Au classement, l’équipe n’est pas non plus dans la position du FC Nantes et reste malgré tout totalement en course pour l’Europe mais les contenus proposés ne sont pas ceux que les amateurs des « Rouge et Noir » sont en droit d’attendre, clairement. La « bonne nouvelle » est que tout le monde au club, des supporters au coach en passant par les joueurs, affirme être conscient du passage à vide vécu. Un coup de pression serait-il utile sur le staff ? La direction doit-elle publiquement s’exprimer et mettre la pression sur un groupe qui ne réagit plus ? Il est évident que ces questions sont sur la table mais si souligner et mettre en avant un problème ou un malaise est une chose, proposer et trouver des solutions en est une autre. Mieux vaut s’exprimer une fois celles-ci trouvées. Une chose est sûre, il ne doit pas être la seule responsabilité d’un staff ou d’un coach, qui s’il fait des erreurs ou semble dans le dur actuellement, ne doit pas être le seul à bucher et à essuyer les plâtres pour avancer. Joueurs comme dirigeants sont aussi concernés et redevables d’offrir un autre visage et des solutions pour aller mieux mais il y a urgence oui.
Le Stade Rennais n’a pas vocation à offrir le triste spectacle offert dans sa gestion par ses voisins Canaris et virer des coachs à tour de bras. Raymond Domenech ou René Girard pour « gueuler » sur un groupe qui ne doit clairement pas rigoler actuellement, c’est ça l’idée ? Non merci ! L’inefficacité de la chose a été prouvée et rien ne dit que ces joueurs aujourd’hui en difficultés retrouveraient leur zénith par un changement de coach. Ce qui a fonctionné depuis plus de deux ans n’est pas hors d’usage, peut-être faut-il changer encore une fois la recette. L’histoire de ce groupe et de son staff, constitué par le triumvirat Holveck-Maurice-Stéphan, porté au pinacle par certains l’été dernier, n’est pas arrivée à terme et le Stade Rennais nous a suffisamment jusque-là habitué aux rebondissements, négatifs ou positifs, pour imaginer une longue descente dans l’oubli. Pour cette saison, même s’il était possible d’imaginer au meilleur de la forme rennaise, un combat moins âpre pour retrouver l’Europe, il n’en sera rien et le club devra s’arracher pour vivre de nouveau le bonheur des joutes européennes. Un moindre mal ! Rien que cela, déjà, montre le chemin parcouru depuis plusieurs années pour sortir de l’anonymat du ventre mou mais gare, celui-ci peut aussi se faire dans les deux sens et au-delà de la culture du résultat, du chiffre ou de l’instant, l’essentiel est de déjà analyser et lire la dynamique du club sur le moyen et long terme. Pourra-t-il rester dans le premier tiers du classement ? Sort-il assez de jeunes ? Recrute-t-il efficacement et saura-t-il conserver ses joueurs au bénéfice d’un projet sportif et au détriment des plus-values éventuelles liées aux transferts ? Au moins aussi importantes que le terrain et les matchs qui passent semaine après semaine, les réponses à ces questions en diront beaucoup sur le Stade Rennais de demain et sur les visages qui seront amenés à continuer de le faire grandir.