Président du Cercle Paul Bert Handball, Franck Roussel, comme ses 420 licenciés, vit avec appréhension le second confinement dont les conséquences pourraient être lourdes
Depuis le 25 octobre, la vie est de nouveau à l’arrêt du côté de la salle Géniaux. Où en êtes-vous à ce jour tant pour les seniors que pour les jeunes du club ?
En effet, le stop a été mis fin octobre et nous avons désormais des dates pour la reprise, fixée à mi-janvier pour la reprise des entraînements et à début février pour la compétition chez les seniors garçons comme filles. Pour autant, les incertitudes sont nombreuses et de gros doutes planent sur la suite de la saison. Dans notre groupe de N1, Bruges Lormont n’a joué à ce jour qu’un seul match… Toutes ces rencontres reportées, il faudra les jouer et trouver des dates pour cela hors, en nationale Une, on ne peut pas jouer en pleine semaine comme cela. Le quota de joueurs pros ou semi-pros à ce niveau est estimé à 25 % et encore, il tombe beaucoup plus bas si on enlève les centres de formation… Il sera très compliqué de mener ce championnat à son terme et encore plus de garder les garçons mobilisés et impliqués en sachant cela.
Quelle serait la solution idéale pour remédier à cela ?
Je ne détiens pas de baguette magique pour donner LA bonne solution mais si on m’en demandait une, j’imaginerais volontiers une sorte de coupe jouée de manière régionale, avec les autres formations géographiquement proches, afin de garder une compétition en cours qui donne une motivation et un but aux gars qui s’entraînent, sans s’user et se ruiner en déplacements lointains. Il me paraît vraiment difficile à concevoir qu’un championnat disputé de cette manière-là, entre reports, forfaits à venir et difficultés à mener les déplacements et organisations des matchs puisse sacrer un champion et condamner d’autres formations à la descente. De plus, rien ne dit que ceux qui étaient VAP il y a six mois aient encore les moyens ou l’envie de monter, financièrement parlant. De l’autre côté du classement, reléguer un club aujourd’hui quand on sait les efforts réalisés par tous pour jouer, accueillir les minimas de public quand cela était et sera autorisé, ce serait totalement injuste… Pour le moment, je milite pour une année blanche, de manière à reprendre le cours normal du championnat sur une feuille blanche en septembre 2021. Rien n’a été décidé quant au format futur de la compétition qui reprendra en janvier 2020 mais on sait déjà que le format initial, qui prévoyait une vingtaine de rencontres, ne pourra pas aller à son terme.
« Le risque, c’est aussi un certain dégoût… »
Comment votre coach, Pierre Le Meur, prépare-t-il son groupe mentalement à une reprise le 20 janvier ?
La hantise de Pierre est de devoir préparer ses joueurs pour enchaîner cinq matchs en février ! Clairement, si tel est le cas, les gars vont exploser ! Aucun des garçons ou des filles, chez nous, n’est salarié. Tous ont leur boulot, quel qu’il soit, depuis des mois, bossent, encaissent cette crise sur le plan professionnel et doivent, en plus, s’entretenir physiquement et être prêts pour la reprise. Si le calendrier ne prend pas compte de cela, les blessures vont s’empiler de toutes parts. Et ce, pas que chez nous, bien évidemment ! Et mentalement, comment réussir à capter l’attention et l’envie de gars à qui on ne pourra même pas promettre de finir la saison ? Pour avoir des gars motivés et investis, il faut des perspectives. C’est le lot des sportifs de haut niveau. Le risque, au-delà de la blessure, est aussi un certain dégoût…
Cela va au-delà du sport ou de la pratique. Nos adhérents paient une licence pour jouer chez nous, à 200 €. On nous dit parfois c’est cher mais là-dessus, il y a 80 € qui vont à la Fédération et 34 à l’association Cercle Paul Bert. Le reste, enfin, revient au club. Avec si peu de matchs joués et une saison arrêtée mi-octobre, certains se sentiront lésés et pourraient vouloir tout stopper par la suite. Une baisse des licenciés est à craindre et le handball risque de devenir secondaire dans leur esprit, ce qui peut s’entendre mais je l’espère, n’arrivera pas. Sur nos 420 licenciés, nous avons eu pour le moment peu d’arrêts mais nous ne crions certainement pas victoire. A l’échelle plus globale du CPB, nous avons perdu 2000 licenciés cette année, cela doit indiquer que la situation est grave. Il faut une reprise dès que possible sous peine d’avoir de gros soucis dans un avenir proche.
« L’importance du sport doit être considérée à sa juste valeur. Surtout dans ce contexte… »
Comptez-vous sur des aides financières à venir des collectivités ou de la Fédération ?
Aujourd’hui, le CPB est traité comme l’ensemble des clubs amateurs, bien que tout proche du monde pro mais avec un fonctionnement qui ne l’est pas. Nous serons accompagnés sur les événements organisés dans les quartiers ou sur le Sandball, sur lequel la Ville a promis de nous accompagner pour la prochaine édition. Si cela se fait, l’annulation de l’édition 2020 pourra être en partie amortie et nous pourrons ressortir à peu près debout de cette terrible période. Aujourd’hui, il s’agit de l’événement sur sable le plus important de France, 30 écoles rennaises sont au rendez-vous et c’est un moment de partage et de rencontres essentiel tout au long d’une semaine riche en échanges. Nous comprenons qu’aujourd’hui, l’urgence touche un maximum de clubs, notamment les professionnels. Nous souhaitons simplement être écoutés et accompagnés un minimum. Concernant la Fédération, un nouveau bureau vient d’être élu et pour le moment, nous n’avons aucune information sur la suite des événements.
Pouvez-vous compter actuellement sur le soutien de vos partenaires ?
Heureusement, oui, ceux-ci sont fidèles et bien conscients que nous subissons une situation que personne n’a choisie. Néanmoins, pour eux comme pour tout le monde, au bout d’un moment, il faut quelque chose en face des efforts consentis. Si l’on ne joue pas, ils n’ont aucune récompense à leur accompagnement. Chez nous, ce sont des galettes saucisses, une bière, la convivialité mais même ça, actuellement, on en peut pas leur offrir… Nous avions travaillé dur en amont pour renouveler et augmenter notre partie partenariat. C’est aujourd’hui très précieux mais pour eux, évidemment, j’espère une reprise rapide de nos matchs.
Peut-on imaginer un mouvement réunissant les différents présidents rennais de club, tous sports confondus, pour essayer de faire entendre les besoins du monde du sport ?
Même si nous arrivons souvent aux mêmes constats, dans des proportions différentes et avec des perspectives variables selon les investissements réalisés, réunir nos demandes au travers d’une voix unique peut être réalisé mais nous ne serons pas ceux qui décident de la politique sportive de la Ville ou de la Métropole, encore moins au niveau de l’Etat. Aujourd’hui, les institutionnels sont conscients des différents problèmes mais plus généralement, c’est l’importance du sport pour la santé, physique et mentale, qui doit être considérée à sa juste valeur et ce, de manière nationale. Encore plus dans ce contexte, où la pratique du sport devient une véritable bouée de sauvetage pour tout le monde, bien au-delà des professionnels. Il y aura, quoi qu’il en soit, un avant et après crise sanitaire. Ceux qui pensent retrouver leur « monde d’avant », pour moi, ne sont pas tout à fait dans le vrai…
La répartition des aides des collectivités vous paraît-elle équitable ?
Clairement, il est compliqué de répondre à cela. Aujourd’hui, nos clubs professionnels, sur le bassin, ont le rôle d’attirer la lumière, de mettre le territoire en avant et nous, clubs amateurs, celui d’offrir aux pratiquants le meilleur terrain pour s’exprimer. On retrouve les joueurs et joueuses « locaux » dans les clubs amateurs de haut-niveau ou amateurs tout court. Il y a une complémentarité évidente et une solidarité avec le monde pro à entretenir, qui est importante. Maintenant, comment agir, pour nos collectivités, face à des clubs amateurs ayant construit un réseau de partenaires leur permettant d’exister financièrement et d’avancer et face à d’autres entités professionnelles. Est-ce juste ou logique ? Il n’y a pas de réponse pouvant satisfaire tout le monde à ce jour mais une politique globale sportive lisible et posée, basée sur des critères précis, afin de respecter au maximum une équité, doit être mise en place. Je ne doute pas que tous travaillent déjà en ce sens.