Confiné en Pologne en compagnie de sa femme et de son fils, Romaric Guillo, dont le retour à Cesson a été officialisé hier en fin d’après-midi, nous offre sa première (longue) interview pour expliquer un retour qu’il espère le plus rapide physiquement parlant et chargé d’ambition et de responsabilités nouvelles. A 28 ans, le « Menhir » entend bien partager sa soif de victoire et son expérience accumulée en « Bleu et Rose ».
A peine ton retour annoncé, les réactions positives et les mots d’accueil affluent. Tu as gardé la cote !
Oui, bien sûr, ça me touche. Beaucoup de gens m’ont envoyé des messages avec bienveillance et sympathie. Ça fait vraiment chaud au cœur de retrouver tout le monde, les bénévoles, salariés, les dirigeants, le KOP. Depuis que nous avions commencé les discussions, pour moi, c’était clair, je voulais revenir à Cesson.
A quand remontent les premiers échanges ?
Nous avons commencé à discuter avec David Christmann notamment en décembre dernier. Très vite, le souhait de se retrouver a été réciproque. Depuis que tout le monde était ok, j’avais envie que ça arrive le plus vite possible. J’ai privilégié Cesson dès que les choses ont été envisageables puis envisagées, malgré l’approche d’autres clubs. J’ai eu un contact avec Veszprém. En temps normal, j’y aurais regardé à deux fois, évidemment, mais pour moi, c’était clair et net, ce serait Cesson et rien d’autre.
Pourquoi cette envie si forte de revenir chez une équipe alors pas assurée d’évoluer dans l’Elite ?
Je voulais revenir ici, en Bretagne, à Cesson, dans mon club. Ici, on m’a formé, on m’a donné ma chance et on m’a permis de grandir. Le projet du club m’a convaincu, même si il n’y avait pas, au moment où nous avons commencé nos échanges, la certitude d’être dans l’élite l’an prochain. Je suivais de très près la saison des gars, j’étais souvent en contact avec plusieurs joueurs avec lesquels j’ai joué comme Allan Villeminot, Florian Delecroix ou Sylvain Hochet. Je n’avais pas digéré et j’avais été très touché par la descente en juin dernier et j’ai adoré la belle série et la remontée au classement des gars. Même sans l’arrêt du championnat, Cesson aurait remporté ce championnat j’en suis certain !
Ton départ à l’hiver 2017 avait laissé un goût d’inachevé, voire même une amertume dans les travées d’alors, à la Valette…
C’est vrai, et sincèrement, pour moi aussi. Je profite aussi de cette interview pour le dire. Avec du recul, j’avais un peu la sensation d’être parti comme un voleur, en douce… Je n’ai peut-être pas fait les choses comme il l’aurait fallu. Nous avons juste pu faire une bouffe avec mes coéquipiers et le lendemain, terminé… Ce fut brutal. Je reste un affectif, j’aime les rapports humains et je n’avais pas pu dire au-revoir au public, à tous ceux que je voyais depuis tant d’années dans les bureaux, autour de l’équipe. Cette proposition de Nantes arrivait à un moment où j’avais envie d’un changement, de sortir de ce que je connaissais, il était difficile de la refuser. J’ai la chance de pouvoir revenir dans mon club de cœur et reprendre l’histoire, avec un nouveau scénario.
Comment juges-tu tes expériences au HBC Nantes puis à Kielce ?
J’ai beaucoup appris, que ce soit auprès des joueurs comme auprès des coachs. J’ai découvert le monde la Ligue des Champions, cela était un rêve de revêtir ce maillot avec « Velux » dessus… Les matchs de très haut niveau, à répétition, l’exigence, la pression. J’ai vécu tout cela depuis deux ans et demi et pour tenir, il faut vraiment se mettre le c… par terre. Le très haut niveau offre autant d’adrénaline qu’il exige un investissement et un travail total. L’exigence est très usante, surtout avec une vie de famille à côté. J’ai toujours dit que je privilégierai ma vie d’homme à ma carrière dans le hand et aujourd’hui, cela prend sens en quittant Kielce. A Cesson, je peux allier les deux, tout en donnant le meilleur sur le terrain.
Au-delà du niveau de jeu et des moyens, qu’est-ce qui différencie tant que cela Nantes, Kielce et Cesson ?
A Nantes, comme en Pologne, tout le monde est obsédé par l’obligation de remporter chaque match, avec une pression constante pour cela. Gagner devient une norme… Néanmoins, j’ai eu la sensation qu’il y a le club d’un côté et les joueurs de l’autre. Les deux mondes sont un peu séparés, on se sent plus au sein d’une entreprise que dans un club et ça, ça n’a jamais été le cas à Cesson. Cette dimension humaine m’a manqué. Vraiment.
Peut-être n’es-tu tout simplement pas fait pour être dans le quotidien un joueur de très haut niveau, où l’enjeu financier et l’exigence de victoire permanente priment sur l’aventure humaine ?
Avant de vivre ces expériences, je t’aurais probablement répondu que vivre cela ne m’intéressais pas. Aujourd’hui, j’ai de l’autre côté de la balance le comparatif, je sais comment cela se passe en Ligue des Champions, dans des clubs à la concurrence accrue. J’ai beaucoup appris, beaucoup de choses m’ont plu mais désormais, mon équilibre de joueur comme d’homme passe par une aventure plus portée sur l’humain. Je voulais que ma famille me revoie jouer, pouvoir partager tout cela avec eux. La Pologne, ça faisait tout de même un peu loin !
Tu as déjà rencontré la Glaz Arena, sous les couleurs nantaises. Comment as-tu vécu ce seul match en terres bretonnes avec un autre maillot que le « Rose et Bleu » sur les épaules ?
Je suis avant tout un joueur professionnel et j’ai toujours, dans ma carrière, tout donné pour le maillot que je portais sur les épaules. Quand j’ai découvert la Glaz Arena, nous avions l’obligation de gagner, comme toujours au HBC mais j’avoue que le sentiment restait mitigé, au fond de moi. Ce n’est pas dans ce derby que s’est jouée la descente mais cela restait difficile d’avoir une joie totale quand on a autant de gens que l’on apprécie, que l’on aime, dans une salle. Je suis revenu ce jour-là en me faisant petit, je ne voulais pas faire la malin ou me faire remarquer mais les messages très gentils et sympas que j’avais eu m’avait fait chaud au cœur.
Quels sont tes ambitions sportives avec Cesson pour l’an prochain ?
Je veux apporter mon vécu des deux dernières années, donner le meilleur et rendre au club, avec tout ce que je pourrais offrir, tout ce qu’il m’a donné. On m’a souvent qualifié de défenseur, uniquement mais j’espère pouvoir apporter plus que cela. Les mots de David Christmann, en ce sens, qui disait que je n’étais pas un demi-joueur, m’ont touché. Beaucoup pensent que je ne suis pas capable de passer le milieu de terrain en courant mais j’ai beaucoup appris en Pologne, où nous jouions beaucoup sur les remontées rapides. J’espère entrer dans les rotations offensives et aider le CRMHB à retrouver ses lettres de noblesse dans l’élite. Avec l’équipe préparée par les dirigeants, nous aurons un vrai rôle à jouer, du plaisir à prendre !
As-tu échangé avec Sébastien Leriche, arrivé sur le banc des pros en novembre dernier ?
Bien sûr et ce fut très intéressant. Il me donne la sensation, au travers de notre échange mais aussi des discussions que j’ai eu avec les gars depuis quatre mois d’être un huitième homme, presque un joueur qui est avec nous sur le terrain, à l’image de Talant Dujshebaev ici à Kielce. C’est important d’avoir une qualité d’échange, de dialogue et de pouvoir se comprendre, le tout accompagné par l’exigence. J’ai hâte de bosser avec lui. J’ai aussi eu Stéphane Clémenceau au téléphone hier et cela m’a fait très plaisir, nous ne nous étions plus parlé depuis un bon moment et nous avons l’envie commune d’écrire une nouvelle histoire, de nous retrouver.
Qu’est ce qui t’as le plus manqué ici en Pologne et comment s’est déroulée ta vie, à Kielce ?
Des plaisirs simples, des choses dont on mesure l’importance quand on ne peut plus les avoir. Le beurre salé par exemple ! Le pain, le vrai, pas l’industriel que nous avons ici, la pêche en mer, aller chercher mon poisson… Pourtant, ici, ce n’est pas si mal niveau nourriture mais bon, je reste un Breton, un vrai ! Après, au-delà de manger, c’est évidemment ma famille qui me manque le plus, les copains, ma vie en France. C’est compliqué ici, la langue est très difficile à apprendre même si j’ai pris des cours, je comprends un peu mais pour parler, je préfère l’anglais. Néanmoins, ma femme ne travaillait pas ici et cela lui manque. Nous avons toujours souhaité avoir chacun notre métier, nous épanouir en même temps, chacun dans nos domaines. C’est aussi pour cela qu’il était indispensable que nous rentrions. Pour conclure, enfin, mon petit grandit à toute vitesse, il a déjà deux ans et demi et il va être temps d’aller à l’école, de se rapprocher des grands-parents.
Comment as-tu vécu la crise sanitaire depuis la Pologne ?
Aujourd’hui, je suis confiné comme tout le monde et ce, depuis un mois déjà. Nous ne sommes pas à plaindre, nous sommes dans un bel appartement, avec tout ce qu’il faut mais le temps est long à trois, loin des notre. Ici, les gens se sont très vite mis à l’abri, avant même l’officialisation du confinement. Ça ne rigole pas, il y a eu une rigueur extrême et au final, assez peu de victimes en rapport avec de nombreux autres pays. Les parcs vont bientôt rouvrir, au compte-goutte mais l’obligation de porter le masque est là, ainsi que les gestes barrière. L’incertitude et savoir quand, et surtout comment, les choses vont évoluer demeure le plus angoissant.
Quand penses-tu rentrer en France ?
Le plus vite possible, je l’espère, mais pour cela, il faut attendre la décision définitive de l’EFH par rapport aux compétitions européennes. Là-dessus mon avis est clair, à un moment donné, il faut arrêter ! J’entends parler de Final Four qui pourrait se jouer en août voire pire, en novembre ! L’idée serait alors que des joueurs qui sont arrivés sous contrat à partir du 1er juillet jouent des matchs pour lesquels ils ont été qualifiés par des joueurs déjà partis ! On marche sur la tête et je le répète, à un moment donné, il faut savoir dire stop et s’adapter à ce que la crise sanitaire exige. Les calendriers sont d’ores et déjà surchargés l’an prochain, on ne peut pas en rajouter, il faut prendre en compte la santé des joueurs. Plus personne ne veut jouer pour cette saison, c’est clair ! Pour ce qui est de rentrer, je suis dans l’attente…
C’est-à-dire ?
J’espère rentrer le plus rapidement possible, vraiment et j’avoue que ça va être costaud, entre un déménagement à organiser, trouver un vol car ceux-ci sont rares et retrouver les miens. Mon contrat s’achève le 30 juin prochain et nous pourrions être libérés avant si l’EHF stoppe les compétitions pour cette année… Sinon, il va falloir encore patienter. C’est dur, nous avons vraiment hâte de retrouver les proches, de pouvoir repartir de l’avant, en Bretagne. J’ai vécu un truc immense ici mais j’ai désormais une seule hâte : être en Bretagne, chez moi puis avec les Irréductibles. J’espère que le numéro 56 est toujours disponible…