Leader technique et mental d’une formation bien partie pour assurer son maintien, Gaëtan Béraud fixe le cap de la dernière ligne droite pour terminer une seconde saison en Fédérale Une plus compliquée que prévue, tant collectivement qu’individuellement. Une année qui aura définitivement changé la vie du capitaine rennais, à plus d’un égard.
Au moment d’attaquer le sprint final, le REC semble avoir son destin en mains quant à son maintien. Est-ce également ton avis ?
Nous sommes actuellement dans une dynamique plutôt positive, sur plusieurs plans : les résultats mais aussi les contenus. Nous sommes de nouveau efficaces à domicile depuis le derby juste avant les fêtes et affichons une très grosse densité défensive. Si nous continuons à mettre ces ingrédients-là, avec les quatre rencontres à venir, je suis optimiste. Au vu de tout ce que nous avons fait cette année, du boulot fourni, nous méritons de renouveler notre bail à ce niveau dans un championnat vraiment difficile.
Une tâche d’autant plus abordable que vous allez affronter Bergerac et Anglet, deux équipes à priori à votre portée…
On ne parle pas dans ce championnat d’équipe à portée ou de favori. On le voit chaque week-end, c’est très serré, tout le monde peut battre tout le monde. Il y a un dernier gros déplacement à Saint-Jean de Luz, qui a longtemps été dans le haut de tableau. Nous aimerions accrocher une grosse équipe du sud-ouest dans notre saison, pour bonifier les bons matchs que nous avons fourni malgré les défaites, à l’image de notre première période à Dax. Ensuite, nous recevrons deux fois de suite, Bergerac, le dernier puis Anglet, qui nous avait battus l’an passé lors des play-offs. Enfin il restera Nantes et nous savons que lors d’un derby, il n’y a ni logique, ni réel pronostic possible. Finir la saison sur une victoire là-bas, ce serait génial.
La possibilité de bien conclure cette saison est donc concrète ?
Clairement, oui, même si les play-offs sont désormais trop loin, à moins d’un improbable concours de circonstances. Nous souhaitons déjà terminer invaincus à domicile sur cette année 2020, ce serait une vraie performance. Il y a aussi le souhait de bien terminer la saison en assurant au plus vite le maintien et ensuite, se faire plaisir. Depuis mon accident en octobre dernier, je veux profiter de chaque instant sur le terrain comme si c’était mon dernier match…
« On se dit que c’est peut-être terminé »
Que s’est-il passé ?
Nous sommes à la fin du match face à Marmande, dans les vestiaires. Je reviens de mon petit speech habituel auprès des partenaires et m’installe dans le vestiaire. Je suis avec Pierre-Louis Piot, notre kiné et je veux lui demander une paire de ciseaux mais aucun mot ne sort… J’essayais de parler mais je n’y arrivais pas, j’ai commencé à paniquer un peu, encore plus du fait d’être lucide et de me rendre compte que je ne pouvais pas sortir de mot. Heureusement, le kiné a rapidement compris, appelé le docteur Patrice N’Gassa et j’ai été rassuré puis pris en charge, rapidement. Au bout de dix minutes, j’ai pu parler de nouveau, comme s’il ne s’était rien passé ou presque. Je suis quand même parti aux urgences faire des examens, approfondir les tests et savoir ce qu’il s’était passé. Le lundi, le verdict tombait : à l’IRM, on m’a dit que j’avais fait un AVC. J’ai passé la semaine à l’hôpital, à multiplier les vérifications et attendre de savoir si je pourrais continuer à jouer.
Comment as-tu réagi à ce diagnostic ?
Tout bascule, évidemment… On doute, on se dit que tout est peut-être terminé alors que j’ai choisi, il y a un an, de devenir joueur professionnel. J’ai été heureusement très soutenu par ma famille, mes amis, le club. Je ne voulais pas me morfondre, j’ai vite rebondi et je me suis dit que je pourrais, si tout devait s’arrêter, faire autre chose. Puis on ne me disait pas si je pourrais reprendre ou devait arrêter… J’ai alors réattaqué le sport en douceur, d’abord le vélo avant de pouvoir revenir à l’entraînement, une fois que le feu vert m’a été donné. Ce fut une vraie libération.
As-tu aujourd’hui un traitement spécifique ?
Non, je n’ai pas de contre-indication, aucune séquelle. Il y a en revanche une vigilance accrue sur moi, je suis suivi de près par les médecins du club mais aussi les équipes qui se sont occupées de moi à l’hôpital. J’ai des capteurs sur moi afin de vérifier le rythme cardiaque ou toute anomalie sur la durée. A ce jour, nous n’avons pas identifié de cause mais il faut savoir que 40 % des AVC restent inexpliqués. Ce que je tiens à dire, c’est que j’ai surtout eu beaucoup, beaucoup de chance, déjà de pouvoir reprendre le rugby mais tout simplement, d’être aujourd’hui là, en pleine santé.
Tu n’as aucune appréhension aujourd’hui au moment d’aller au combat ?
Sincèrement non, cet épisode est derrière moi, fait partie de mon histoire. C’est ainsi, c’est arrivé et s’il y avait eu le moindre risque à poursuivre le rugby, j’aurais arrêté car j’ai aussi beaucoup d’autres choses dans ma vie. Ce qui m’importe aujourd’hui, c’est de continuer à prendre du plaisir à chaque rencontre, à tout donner mon équipe et mes coéquipiers.
Y’a-t-il un changement dans les regards autour de toi ?
Non, l’attitude de mes coéquipiers n’a pas changée. Je ne veux pas de compassion ou de pitié. Je dirais juste que certains de mes mots en tant que capitaine, à des moments précis ont peut-être plus d’impact qu’auparavant. Pour ma part, je continue de tout donner, d’essayer de donner l’exemple et de ne pas calculer.
Revenons au jeu. Tu évoquais le derby. Celui remporté à l’aller a-t-il été le tournant de la saison ?
Ce n’était pas notre meilleur match en terme de jeu, évidemment, mais il y eut ce jour-là solidarité, combat, jusqu’à l’épuisement et la qualité tactique pour tenir le match à 14 contre 15 durant plus d’une heure. Ce jour-là, les choses ont enfin basculé du bon côté alors que nous avions eu beaucoup de désillusions cette saison dans les ultimes secondes. Depuis, nous avons enchaîné de bons contenus et retrouver la confiance. Cette année, c’est plus difficile oui, mais nous avons énormément appris et saurons nous servir de tout cela l’an prochain, je n’en doute pas.
Que retiendras-tu de ce groupe, avec qui tu as passé deux années en Fédérale Une très chargées en émotions ?
On le sait, il y aura pas mal de mouvements dans l’effectif en vue de l’été prochain et nous avons une superbe histoire humaine à finir tous ensemble. La saison passée, la chance nous a régulièrement accompagnés. C’est moins vrai cette année mais l’état d’esprit a toujours été là, à l’image du travail défensif que nous avons toujours fourni. Aujourd’hui, le REC est un groupe de super mec qui compte bien boucler la saison en beauté.
Seras-tu toujours réciste l’an prochain ?
J’ai encore une année de contrat ici et je compte bien poursuivre l’aventure, tant que l’on comptera sur moi !
Recueilli par Julien Bouguerra