Présent à l’Open Blot Rennes pour y disputer le tournoi des célébrités, Pierre Menès nous a accordé une petite demi-heure pour apporter son éclairage sur la saison rennaise, la relation président-entraîneur au SRFC ou encore Camavinga. Le tout en mode « Pierrot », sans langue de bois !
L’année 2019 juste écoulée vient de s’achever, avec de vraies belles émotions. Avez-vous vibré avec les « Rouge et Noir » ?
Sincèrement, le match retour à Séville reste un truc incroyable. A l’aller, on ne peut pas être amnésique, ils prennent une leçon de foot et tout le monde, moi y compris, imagine un carnage au retour à Séville. Pourtant, les joueurs sortent un match incroyable avec des ressources qu’on ne leur connaissait pas. Avant Rennes, c’était un peu un effet ah, ah ah, ah non… C’est en train de changer avec Olivier Létang. Il déteste la défaite comme je l’ai rarement vu
Avez-vous travaillé avec lui lors de votre passage au Stade de Reims ?
A l’époque, il n’était pas beaucoup là, il terminait ses études. Ce n’est pas là que nous avons appris à nous connaître mais par la suite, quand il a travaillé du côté du PSG.
Des bruits ici et là parlent de tensions et des désaccords entre le coach et son président. Quel est votre avis sur la question ?
J’ai la sensation d’un binôme différent avec deux caractères très distincts et je pense que c’est un gage de réussite. Je connais les deux. Julien, je l’ai rencontré quand il était avec les U19 et j’avais décelé un vrai potentiel. Que Thierry Henry ait voulu le prendre à Monaco voulait dire quelque chose… Le président Létang, je vous défie de trouver quelqu’un qui déteste autant perdre. Il a une vision, un tempérament avec des résultats déjà visibles à Rennes. A Strasbourg, on peut difficilement faire plus différent que Thierry Laurey et Marc Keller et les résultats du club alsacien prouvent que cela peut marcher. Concernant les désaccords ou tensions, il ne faut pas se leurrer : jamais il n’a été question une seule seconde dans la tête d’Olivier Létang de se séparer de Julien Stéphan. Nous en avons parlé et d’autres personnes au club me l’ont confirmé. On ne peut pas empêcher les journalistes de fantasmer. Rennes est tout de même troisième du championnat en ayant fait dix matchs sans victoire, ce qui montre qu’il ne faut pas être trop impatient.
Ce classement peut-il tenir dans le temps ?
Oui, cela reste possible. A mes yeux, le Stade Rennais peut terminer troisième comme dixième et ça, c’est le lot cette année de tous les clubs. C’est aussi cela la magie de notre Ligue 1…
« Hatem est le plus gros gâchis du foot français »
Le jeu déployé vous plait-il ?
Sincèrement, non. Je considère que cette équipe s’est affaiblie offensivement et se montre bien moins spectaculaire et dangereuse que l’an passé. Raphina est encore en apprentissage, Sarr était un joueur très performant et, comme Ben Arfa, n’a pas été remplacé. Si tant est qu’Hatem puisse être remplacé…
N’aurait-il pas fallu insister un peu pour le garder ?
Tu as déjà essayé d’insister sur quelque chose avec Hatem ? Non ? Et bien voilà ! Hatem, c’est le plus gros gâchis de l’histoire du foot français et je pèse mes mots. C’est un génie mais il n’a pas le mental, le caractère et la constance pour être celui qu’il aurait pu ou dû être. C’est très dommage. Pour Rennes, c’est déjà bien de l’avoir eu un an et d’avoir recueilli un trophée avec et aussi un peu grâce à lui.
Aimez-vous la méthode et la personnalité de Julien Stéphan ?
C’est un garçon très intelligent, qui a un avenir prometteur dans le métier et réussit de très beaux débuts. Le foot, c’est de l’humain et il l’a déjà compris. Il ne va pas apprendre à Niang à marquer ou à Bourigeaud comment tirer un coup-franc. Lui, il est dans la psychologie, l’accompagnement et il tire le meilleur de chacun. Thiago Motta me racontait qu’à Paris, Unay Emery lui avait expliqué comment faire une passe lors d’un entraînement. A Thiago Motta… Julien Stéphan ne ferait pas une connerie pareille ! Il sait responsabiliser ses joueurs et c’est important. Il est prometteur c’est sûr, après est-ce un futur grand coach ? Laissons-lui le temps.
« Camavinga ? Tu lui donnes des briques, il t’envoie des fleurs ! »
Vous étiez venu faire un média training au club l’an passé. Qu’en avez-vous retenu et est-ce une voie possible de diversification auprès des clubs pour vous, à terme ?
J’essaie de le faire avec l’UNFP mais cela n’a pas l’air si facile à mettre en place. J’en ai fait deux, à Rennes et à Strasbourg, c’était intéressant. Ce que j’ai retenu de mon passage à Rennes ? Eduardo Camavinga…
C’est-à-dire ?
J’avais les douze jeunes devant moi, le coach était à coté, on fait la conférence pendant deux heures et à la fin, et je vais voir Julien et je lui demande ce qu’il pense d’Eduardo. Il me répond « il a le niveau Ligue des Champions ». Ça ne m’a pas étonné. Je retrouve chez Eduardo le même gène que chez Kylian M’Bappé. Le regard, la détermination, un calme peut-être encore plus important chez Eduardo que chez Kylian et une maturité dans l’expression et le recul par rapport aux choses.
Le Stade Rennais pourra garder ce joueur ?
Je pense que s’il a un plan de carrière intelligent et un bon entourage, il sera encore là l’année prochaine mais ensuite, ce sera très compliqué.
Peut-on déjà l’imaginer en Bleu ? N’est-ce pas trop tôt ?
Quand c’est l’heure, c’est l’heure, pourquoi attendre ? Mbappé a mis 5 buts en phases de Ligue des Champions en ayant 17 ans et demi. Cristiano Ronaldo ou Messi ont aussi démarré très jeune. Le talent n’attend pas les années. Quand tu tiens un phénomène, tu ne vas pas lui dire sois calme, ne t’en flammes pas. C’est son problème à lui de ne pas s’enflammer, pas celui des clubs. Eduardo, je le regarde jouer. Tu lui donnes une brique, il t’envoie des fleurs. Son match à Lyon, c’est prodigieux Il s’affole jamais, il voit juste. Il est titulaire indiscutable et quand il n’est pas là, ça se voit. Une fois qu’il aura pris quelques kilos en plus sur le plan musculaire, il sera injouable ! Ça peut passer devant Pogba ou autre assez vite. Je me dis que s’il y a une avalanche de blessés au milieu, ce n’est pas impossible qu’il soit à l’Euro !
« On ne parle pas assez du public rennais ! »
Vous êtes un habitué du Roazhon Park depuis de longues décennies. Trouvez-vous que l’ambiance à Rennes a passé un cap ?
Sincèrement, oui, et je trouve que l’on n’en parle pas assez au niveau national. Les tifo, l’ambiance, les chants, le Roazhon Park n’a aujourd’hui rien à envier aux autres en ligue 1. On parle toujours de Lens, Saint-Etienne, Strasbourg… On ne souligne pas assez l’ambiance générale pendant le match, les tifos… On en fait des caisses avec Liverpool mais une fois le We ll never walk Alone passé, on est au théâtre ! Je suis venu dernièrement plusieurs fois à Rennes et vraiment, c’est un super stade avec pour ne rien gâcher, ne font pas de vagues ou de gros titres avec des attitudes inappropriées. Pourvu que cela dure ! Le succès appelle aussi parfois les excès et un nouveau terrain de jeu pour certains qui ont besoin d’exprimer leur bêtise, leur colère, leur révolte…
Votre tiercé pour la Ligue 1 ?
Je vois le PSG, Marseille plus Lyon. Ils vont être rapidement débarrassés de la Ligue des champions. Monaco a le meilleur effectif sur le papier mais pour le moment, cela reste sur le papier. Derrière, il y a un wagon avec Rennes, Montpellier ou Lille. Ce sera indécis et serré jusqu’au bout.
Recueilli par Julien Bouguerra