Si la vieillesse est parfois un naufrage, aux dires du poète, c’est lors de la jeunesse que l’on construit ses rêves mais aussi ses lendemains. Rubens Pierre, 20 ans, est de ceux qui n’ont pas de temps à perdre pour faire de leurs rêves une réalité, à force de travail et d’implication. Sa venue pour un an à Cesson s’inscrit dans une logique faite pour servir les ambitions de tous, avec le sourire.
Dans la vie, il n’y a souvent qu’une seule occasion de faire une bonne première impression. Celle-ci n’a pas été loupée par le nouveau gardien numéro 2 des Irréductibles, d’abord contre Pontault-Combault, puis contre Dijon. En complément de Robin Cantegrel, étincelant sur ces deux matchs, le portier prêté par Montpellier pour une saison réalise un superbe 5 sur 10 face aux Franciliens puis arrête un penalty capital face à Dijon, assurant à chaque fois sa part dans le succès des siens. Le tout sans se prendre la tête, dans un mélange de décontraction et d’implication, déjà salué de tous : « J’ai toujours été comme ça, souriant, à la cool. Cela n’empêche pas d’être sérieux et impliqué mais j’essaie d’être toujours positif, d’apporter du sourire dans le vestiaire, où je fais partie des clowns. J’aime chambrer et déconner ».
Des conseils maternels précieux
Ce sourire, communicatif, Rubens Pierre l’a pourtant parfois dissimulé ou oublié en serrant les dents face aux vents contraires. Au départ, le colosse ne se destine pas au handball et s’épanouit pleinement… sur les lignes d’eaux de la piscine de Cergy-Pontoise, où son crawl fait des ravages. Déjà plus grands que la plupart des autres nageurs, il avale les longueurs afin de calmer un besoin d’activité tenace : « J’ai toujours été du genre hyper actif, il fallait que j’ai quelque chose à faire, que je me dépense. Je n’étais pas un enfant turbulent mais un enfant dynamique, dirons-nous !»esquisse-t-il. Un enfant plus mur aussi, qui grandit en tant qu’aîné dans une famille où la maman élève seule ses enfants : « Mes parents sont séparés et j’ai grandi avec ma maman, dont je suis très proche. Elle a fait énormément de sacrifices, notamment moi, sur tous les plans. J’ai essayé de montrer au mieux l’exemple à mes frères et sœurs. »Son petit frère, lui aussi gardien à Angers en U17 mais au foot, en atteste : le travail a été bien fait ! Et le handball dans tout cela ? « J’ai découvert le hand sur invitation de mon oncle, qui entraînait les filles de Cergy. J’ai essayé et j’ai aimé, de suite mais d’abord sur le terrain ! ».Comme pour beaucoup, l’histoire se répète, avec une arrivée dans les buts « accidentelle » et un virus contracté dès les premières parades : « Au départ, je jouais au poste d’arrière gauche. Je faisais deux têtes de plus que les autres mais techniquement, j’ai vite atteint certaines limites. Puis au cours d’un match, notre gardien se blesse et Romain Perreira, notre coach, m’envoie dans les buts. J’arrête un paquet de tirs et je kiffe. Le coach aussi. Je ne suis plus sorti des buts… ». Physiquement au-dessus du lot, agile et bosseur, Rubens Pierre convainc rapidement tout son monde et fait le tour des sélections jeunes, d’abord départementales puis régionales, avant d’intégrer le pôle d’Eaubonne et de rejoindre Saint-Gratien, en N1, où il joue deux saisons. Les choses sérieuses commencent : « Au pôle, j’ai compris que je pouvais devenir professionnel. A côté, je menais un Bac Pro Action Co, j’aimais bien le commerce. Les choses sont franchement allées très vite pour moi ! ». Lors du tournoi Tiby avec l’équipe de France cadets, où Pascal Person est le premier à lui accorder sa confiance, Rubens tape dans l’œil d’Erik Mathé, aujourd’hui entraîneur de Chambéry mais hier adjoint de Patrice Canayer. Ce dernier rencontre la mère du gardien cessonnais et l’échange s’avère fructueux : « Nous avions une offre du PSG sur la table, avec des sommes importantes. Pour autant, je n’avais rencontré que les adjoints. Nous sommes allés à Montpellier et j’y ai rencontré Patrice Canayer, qui nous a rapidement convaincu. Son projet était clair, il comptait sur moi pour l’avenir. Il y avait moins d’argent à gagner qu’au PSG mais l’environnement du club, plus familial et tourné vers le développement du joueur, a fait la différence. »
Un rêve ultime : les JO !
La première année à Montpellier est pourtant très compliquée pour Rubens, qui peine à trouver sa place dans le sud, éloigné de sa famille :« C’était dur même si sur le terrain, tout se passait bien avec les U18. La famille me manquait ! J’ai été à deux doigts de renoncer mais ma mère m’a poussé et convaincu de persévérer ! » Les mamans ont toujours raison, qu’on se le dise et les conseils reçus par le néo-montpelliérain s’avèrent payants : la seconde année, il est avec les pros, en numéro 3 derrière Vincent Gérard et Nicolas Portner. Les résultats sont là, avec le gain de la Ligue des Champions et plusieurs apparitions avec les pros :« Ce fut une saison incroyable. J’ai joué contre Paris, j’ai goûté au très haut niveau et pu évoluer avec la Nationale Une. » Surtout, au-delà des matchs, Rubens Pierre apprend. Rarement discret sur le terrain, le gardien de l’équipe de France fut précieux dans l’apprentissage du gardien cessonnais : « Il est à l’entraînement comme en match, avec un vrai caractère de… gagnant, dirons-nous ! Même les jeux d’échauffements, il veut les gagner ! Avec moi, il a été parfois très dur et m’a beaucoup aidé, m’a bougé car j’en ai besoin. Humainement, c’est quelqu’un de vraiment bien, qui m’a soutenu quand ça n’allait pas et qui m’a beaucoup appris. Nicolas Portner également, m’a transmis, peut-être avec plus de retenue, beaucoup de conseils. »Au-delà des gardiens, c’est aussi une sacrée équipe de champions qui encadre le jeune parisien dans l’Hérault : « Mika Guigou, Valentin Porte, mais aussi le staff, tous ont été supers et le sont avec les jeunes ! J’avais un peu des « papas » de substitution. Ils parlent, ils t’éduquent et te montrent le bon chemin, sans être moralisateurs. C’était une famille, à défaut d’avoir la mienne près de moi ». Un nouveau cadre familial, donc, que Rubens choisit pourtant de quitter, temporairement, l’été dernier : « J’ai eu une discussion avec Patrice Canayer. Je voulais du temps de jeu et avec trois gardiens pros dans l’effectif devant moi, cela devenait compliqué. Au début, le coach a refusé, car il compte sur moi pour l’avenir, mais a finalement cédé. J’ai insisté pour cela, j’avais besoin de m’émanciper et de jouer. La condition, c’était la Proligue. Billière, Besançon puis Cesson se sont présentés et je n’ai pas hésité. ».Plusieurs raisons poussent le jeune gardien international à rallier la Bretagne : d’abord sa petite amie, proche d’un ancien du CPB Rennes Andy Kazi, rencontrée à Rennes puis la présence du coach Gaudin et le projet remontée : « Ici, il y avait tout pour moi. Christian a eu un discours clair et franc, m’indiquant que je venais en numéro 2, pour apprendre et progresser, tout en essayant de bousculer la hiérarchie. La présence du coach, ancien très grand gardien, a pesé lourd. J’ai beaucoup à apprendre de lui et tout se passe super bien ! On échange beaucoup, il est dur avec moi quand c’est nécessaire mais on rigole aussi beaucoup. Il sait comment me prendre et je sais déjà que je vais progresser. Dans l’équipe, je connaissais déjà Hugo Kamtchop ou Allan Villeminot et je me suis très vite parfaitement senti dans cet effectif. Il y a beaucoup de qualités et des joueurs du calibre d’Igor Anic ou Luka Mitrovic. Robin Cantegrel? Nous nous entendons bien. Ce n’est pas un grand bavard mais notre entente est bonne, avec deux caractères différents mais complémentaires. C’est un sacré gardien, qui a quand même déjà connu les A ! Ce n’est pas rien ! »
Auteur d’un bon début de saison, le néo-Irréductible ne pense pour le moment pas aux éloges ni à une éventuelle présence au niveau international, même si, dans un coin de la tête, les rêves les plus fous sont bien présents :« En venant ici, je me suis rapproché de ma famille, j’ai du temps de jeu, je progresse. Les choses viendront petit à petit. Mon premier objectif à ce jour est d’évoluer en Lidl StarLigue à court ou moyen terme. Si c’est ici à Cesson, ce serait top, tout comme ce le serait aussi à Montpellier ou ailleurs. Je suis jeune, j’ai ma vie de gardien devant moi et j’ai envie de croquer dedans. Les Bleus ? Pour moi ça a toujours été du bonus, un plaisir en plus. Je n’y pense pas pour le moment mais je rêve un jour de disputer les jeux Olympiques. Il y a du chemin pour cela mais il faut regarder toujours plus loin». Dans l’attente de ces horizons lointains, place à l’entraînement avec un petit tour par le vestiaire, où Rubens Pierre a aussi un rôle à assumer : « Celui que j’aime chambrer le plus ? Luka Mitrovic. Je lui demande de parler français ! Il nous comprend, entend tout ce que l’on dit mais a la flemme de nous répondre en français. Je le tanne pour cela et il grogne, en fronçant les sourcils. Ce n’est pas pour me déplaire ! ».En voilà définitivement un qui a pleinement réussi la fameuse première impression !
Julien Bouguerra