Tout au long de la saison, les Récistes n’ont cessé de surprendre et de repousser leurs limites, s’adaptant sans trembler à la Fédérale Une. Trois témoins de cette évolution, Thierry Aussilous, entraîneur des espoirs, Lilian Caillet, capitaine de l’équipe qui arrête sa carrière en mai et Ryan Dubois, arrivé l’été dernier, livrent leur regard sur le REC version 2018-2019.
Thierry Aussilous, entraîneur des espoirs :
Quel regard portez-vous sur la saison écoulée du REC à la cinquième place ?
Je suis au club depuis le début des années 2000, autant dire que j’ai un peu tout connu ici, du comité directeur à l’équipe première en passant, aujourd’hui, par les espoirs. Voir le club à ce niveau-là, c’est quelque chose d’exceptionnel, surtout quand on sait d’où nous sommes partis ! L’état d’esprit étudiant, avec ceux qui s’entraînaient quand ils le pouvaient, ce n’est plus du tout d’actualité. Aujourd’hui, le club tutoie le professionnalisme. Ce qui est mis en place depuis trois ans, en hissant l’exigence année après année, c’est du haut niveau. La mue s’opère et sincèrement, je suis très impressionné de voir tout cela arriver si rapidement. On a basculé dans le rugby professionnel même s’il reste bien sûr encore des choses à faire. Mais sur le point du médical, de l’analyse des matchs et adversaires, de l’implication des joueurs, du staff et de la qualité des entraînements, nous n’avons rien à envier aux « cadors » de F1.
Chez les espoirs, l’évolution est-elle aussi palpable ?
Bien sûr ! J’ai aussi à ma disposition un staff médical, des moyens de développer et travailler avec nos jeunes joueurs. Aujourd’hui, les joueurs viennent avec ambition à Rennes, y compris chez les jeunes. Rennes est une ville étudiante et les garçons ont aussi la perspective d’un club de rugby de très bon niveau. Cela renforce la base du projet même si nous devons encore renforcer l’assise sur les jeunes, attirer plus de joueurs, dès le plus jeune âge puis rivaliser droit dans les yeux avec Vannes ou Nantes notamment, pour avoir les meilleurs jeunes du cru chez nous. Il faut aussi travailler avec les clubs environnants, devenir un club qui rayonne et qui permet à tout le monde d’en profiter.
Comment voyez-vous le REC de demain ?
Le plus dur commence, confirmer et réussir à progresser encore, petit à petit. Quand on voit que Nantes, club historique, n’a jamais dépassé la quatrième place en F1 ou que Nevers, malgré un budget important, a mis 10 ans à monter… Il faut s’inspirer de ce qu’a fait Vannes, en prenant le temps de structurer l’ensemble et de travailler en profondeur. Notre projet repose aussi sur notre président Jean-Marc Trihan et son équipe ainsi que sur le staff ultra performant organisé autour de Yann Moisan et Kévin Courties. Avec la nouvelle équipe dirigeante, les partenaires et le budget du club ont changé de dimension et le club progresse à tous les niveaux, avec un crédit aux yeux de tous, partenaires, institutionnels et autres clubs grandissant. Nous devons marquer le territoire. Mon rôle à moi dans ce REC de demain ? J’ai ce club dans la peau et j’aime travailler avec les jeunes. Je suis ravi de faire partie de cette famille.
Ryan Dubois, joueur du XV du REC, arrivé au club cette saison :
Cinquièmes en F1 ! Si on te l’avait dit en septembre dernier, tu l’aurais cru ?
Je suis venu à Rennes pour me rapprocher de ma famille (il est originaire de Lanester, ndlr) mais aussi prendre part à ce projet ambitieux et mesuré, de devenir une équipe solide de Fédérale Une. Quand j’ai rejoint le club, c’était avec l’ambition de réussir une très belle saison. Le mélange entre joueurs déjà présents et nouveaux a parfaitement opéré et on sent une adhésion collective aux objectifs et aux valeurs du club. Celui-ci évolue et change, y compris dans les regards venus du monde du rugby. On le sent, la Bretagne ne se résume plus uniquement à Vannes quand on parle rugby. Il y a une notoriété naissante.
Pour toi qui as connu le TOP14, sur quels points le club peut encore se rapprocher du monde pro et de toutes ses exigences ?
Sincèrement, dans la qualité des entraînements, de ce qui est proposé et de l’encadrement, nous n’avons pas grand-chose à envier aux autres. Maintenant, je sais que le club travaille dur pour développer les structures, notamment pour les installations dédiées aux entrainements et c’est aussi cela qui mènera vers le plus haut niveau.
Comment vois-tu ton avenir ici. Rennes n’est qu’une étape avant de revenir dans l’élite ou t’inscris-tu dans la durée au REC ?
Je suis venu pour apporter mon vécu mais aussi mon envie de jouer régulièrement, de progresser. J’ai déjà 23 ans, c’est jeune et pas tant que cela à la fois. Bien sûr, j’aimerais retrouver un jour le niveau au-dessus mais pour le moment, je me plais totalement dans le projet réciste et j’ai très envie de continuer à avancer avec ce groupe. Sincèrement, l’osmose entre nous est au top et l’ambiance n’y est pas pour rien lorsque l’on regarde nos résultats, notamment à l’extérieur. J’ai l’envie de grandir avec le club et je sais que tout est mis en place ici pour que les joueurs puissent s’épanouir et avancer. Si nous pouvons à moyen terme atteindre les phases finales, ce serait vraiment génial mais prenons aussi le temps, déjà, de savourer tout ce qui a été réalisé cette saison.
Lilian Caillet, capitaine historique du REC, au club depuis six ans :
Une cinquième place en F1, une participation au Challenge Yves du Manoir. Voilà un beau final pour le REC !
C’est que c’est une vraie bonne surprise, surtout quand on regarde d’où l’on vient mais nous avons mis ce qu’il fallait pour en arriver là ! Je suis au club depuis six ans, c’est peu et beaucoup à la fois. Depuis l’arrivée de Jean-Marc Trihan et de nos coaches, tout a changé ! Le club bosse très dur, l’approche la semaine est très proche de celle que l’on a chez les pros et je constate que nous bossons probablement beaucoup plus que les autres clubs de ce niveau, à l’exception de ceux dont les structures sont totalement professionnelles, comme Rouen par exemple. C’est aussi cette exigence et cet investissement au quotidien qui ont amené ces résultats sur le terrain. Quand on voit tout ce qui a été fait et mis à notre disposition à nous, les joueurs, impossible de tricher ou de ne pas tout donner lors des matchs !
Reconnais-tu le club où tu étais arrivé en 2012 ?
Sincèrement, il a beaucoup changé et évolué. J’ai connu l’époque où l’on mangeait notre « casse-croûte » au bord du terrain où nous allions jouer deux heures plus tard, des déplacements où nous prenions nos voitures. Les entraînements, parfois, on oubliait ou il y avait autre chose à faire. Le rugby-étudiant à l’ancienne, entre potes, avec beaucoup d’histoires inoubliables, forcément. Aujourd’hui, nous commençons même à être reconnus dans la rue ! Une anecdote à ce propos : l’autre jour, je me ballade en ville avec le haut de survêtement du club et on m’a arrêté en me disant « hé, tu joues au REC, etc… ». C’est juste dingue et ça aurait été totalement inimaginable, il y a quatre ans de cela !
C’est aussi la professionnalisation et l’argent qui amène cela ?
Bien sûr. L’argent change la donne et c’est normal, ce n’est pas un gros mot. Nous avons une responsabilité par rapport à tout ce qui est mis en place et l’exigence doit être au minimum à la hauteur des investissements réalisés. Le rugby évolue et le club aussi, avec des dirigeants à qui l’on doit énormément. Le club doit s’inspirer de ce qui est réalisé à Vannes tout en essayant de garder ses valeurs propres, même si avec le professionnalisme, ce n’est pas une mince affaire. Aujourd’hui, des joueurs pros viennent ici, sans attachement particulier à la région mais dans un plan de carrière, c’est, je le répète, une évolution tout à fait logique. Le plus difficile, c’est d’intégrer ce modèle mêlant sport et business tout en conservant son âme, son identité et en faisant primer l’intérêt collectif sur le personnel. Pour cela, j’ai pleine confiance en nos dirigeants !
Tu arrêtes ta carrière cette année sur une excellente note. Avec amertume ou sans regret ?
Tu sais, j’ai commencé le rugby à 4 ans et je ne connais pas une semaine ou un week-end sans le ballon ovale… Ce sera un vrai deuil, j’appréhende cela. Pour autant, terminer là-dessus, c’est énorme ! Le REC c’est mon club de cœur (il a aussi évolué à Lyon, Vienne, Macôn, ndlr) et franchement, battre Nantes pour boucler la saison, même si je n’y étais pas, c’est comme un symbole. Année après année, on essayait de passer des paliers mais au début, nous prenions des « branlées » contre tout le monde. Deux victoires dans la saison, c’était presque beau ! Puis nous avons réussi à battre Chartres, puis Bobigny, Le Rheu, ensuite Niort. Aujourd’hui, voir le club là où il est, c’est fort et encore plus avec des garçons comme Arnaud Leberre, Martin Bertand ou Mathieu Brignonen que j’ai connu tout gamin, à qui j’ai mis quelques tartes pour les faire avancer ! (rires). Je n’échangerais pas mes années passées le nez dans la « m…» car des amitiés incroyables ce sont construites mais être arrivé là aujourd’hui, c’est un plaisir incroyable. J’aurais aimé continuer un peu mais ma vie professionnelle me demandera trop de temps. Si je resterai autour du club ? Sincèrement pas trop près du terrain, j’aurais bien trop de difficultés à ne pas y retourner tête baissée !
Recueilli par Julien Bouguerra