L’année a été riche d’événements et de rebondissements pour le Stade Rennais. Entre la qualification européenne, le renvoi de Sabri Lamouchi, les adieux discrets de Yoann Gourcuff ou encore le but magique d’Adrien Hunou à Paris, retour sur une saison riche en émotions.
On t’aime Adrien !
Aussi inattendue que soudaine, aussi précise qu’audacieuse… La volée d’Adrien Hunou au Parc des Princes, le 12 mai à 22 h 30 sur une longue ouverture de Jérémy Gélin restera comme le point final d’une remontée fantastique des rennais dans la course à l’Europe, lancée à la fin de l’hiver. Face à des Parisiens invaincus à domicile sur l’ensemble de la saison mais déjà mobilisés sur le Mondial à venir pour la grande majorité des joueurs, sur les vacances pour les autres, le SRFC construit son succès sereinement, sans trembler. Plusieurs parades de Tomas Koubek, le sang-froid de Benjamin Bourigeaud sur pénalty avant la pause puis l’éclair de l’homme fort de la fin de saison pour boucler l’affaire (0-2). Le Stade Rennais gagne là où tout le monde repartait l’égo meurtri et met ce soir-là un pied et quatre orteils en Ligue Europa. Cédric Guillou, sur France Bleu, trouvera les mots venant du cœur du peuple rouge et noir tout entier pour son héros d’un soir : « On t’aime Adrien ! ».
Sabri, c’est fini.
Aussi froid qu’un lundi matin de novembre, gris et tristounet, le communiqué laconique du Stade Rennais tombe comme un couperet sur le destin de l’ancien sélectionneur de la Côte d’Ivoire : « Le Stade Rennais FC ayant décidé de mettre à pied son entraineur Sabri Lamouchi, Julien Stéphan entraîneur de l’équipe réserve, sera en charge de l’équipe professionnelle durant cette période. » A peine un an après son arrivée, l’homme qui aura ramené l’Europe à Rennes en partant d’une situation compliquée connaît un sort sans pitié, avec en filagramme des relations dites compliquées avec sa direction. Son bilan comptable correct ne restera pas dans les annales mais difficile d’oublier la fantastique remontée au classement et le printemps parfait menant à la cinquième place, sous la houlette d’une colonne vertébrale décisive dans chaque zone décisive du terrain (Gnagnon, Prcic, Khazri), tous trois partis au cours de l’été. Si l’ère Julien Stéphan s’ouvre sous les meilleurs auspices (5 victoires en 5 matches), nul ne doute que l’ancien international français devrait rebondir dans les mois à venir, sa méthode ayant porté de beaux fruits avant un automne moins positif.
En route pour les seizièmes.
Astana ? Destination de vacances lointaines, inconnue notoire il n’y a pas cinq ans de cela sur la scène européenne devenue soudainement, une montagne infranchissable digne de la Ligue des Champions pour certains. La réalité est probablement égarée entre ces deux extrêmes mais face aux Kazakhs, le Stade Rennais avait surtout à faire face à sa propre histoire et la possibilité de remporter enfin une « finale » et de décoller pour quelques jours au moins, l’étiquette de « looser » collée par les médias parisiens, toujours condescendants et prompts à moquer les mauvaises habitudes rennaises au moment de conclure. Pourtant, ce 13 décembre2018, les « Rouge et noir », avec patience et application, réussissent à mener à bien leurs desseins. Ismaïla Sarr en détonateur provoque un pénalty et pousse au fond le ballon détourné de Benjamin Bourigeaud, avant d’expédier l’un des buts de l’année sous la barre quelques minutes plus tard, tuant toute tension possible en fin de match. Après avoir remporté son premier match européen en phase de poule en septembre contre Jablonec, le Stade Rennais accède pour la première fois aux seizièmes de finale, où il affrontera le Bétis Séville en février prochain. Avec une nouvelle page à écrire…
Hatem Ben Arfa à Rennes !
Le 31 août, la rumeur enfle à mesure que les heures défilent vers la fin du mercato. Libre, Hatem Ben Arfa peut pourtant encore se donner quelques jours de réflexion, voire quelques semaines, avant de choisir son nouveau challenge. Le Stade Rennais, lui, ne compte pas attendre après avoir déjà loupé Wahbi Khazri quelques semaines plus tôt. Après de longues discussions, facilitées par la bonne entente entre Olivier Létang et le joueur, ainsi que son entourage, la nouvelle tombe : Ben Arfa sera bien rennais, au nez et à la barbe de l’OGC Nice, pourtant désireuse de retrouver son chouchou, ultra spectaculaire deux ans auparavant. Le contrat est d’un an plus une autre année en option, une conférence de presse avec grosse affluence puis la présentation mode rock star en grandes pompes l’après-midi même lors de la réception de Bordeaux : la presse nationale est au garde-à-vous ! Le temps de quelques heures, Rennes prend place sous les lumières médiatiques qu’a toujours attirés l’un des joueurs les plus doués mais aussi le plus frustrant des quinze dernières années. Confirmera-t-il sa belle année niçoise après deux ans chaotiques au Stade Rennais ? Peut-il mener l’équipe au sommet ? Ou jouera-t-il ? Les débats sont fournis pour de longues semaines et demeurent encore aujourd’hui sans réponse ferme et définitive.
Khazri finalement à Saint-Etienne.
Sabri Lamouchi en avait fait sa priorité absolue et pour cause : le joueur était le leader incontestable de l’équipe la saison passée. Dès son arrivée fin août 2017, l’ancien feu-follet de Bastia et Bordeaux avait annoncé la couleur, après un succès surprise à Marseille : « Nous pourrons nous mêler à la lutte à l’Europe. ». D’abord gentiment moqué, l’international tunisien a vu ses mots prendre tout leur sens au gré des victoires et de la belle série bretonne. S’il termina la saison sur la pointe de pieds avec l’envie de ne pas louper le mondial russe avec sa sélection, Wahbi Khazri, repositionné avant-centre par Sabri Lamouchi, avec lequel il entretenait une relation privilégiée, aura porté l’ambition mais aussi son équipe avec des buts très souvent décisifs et une hargne contagieuse et cruciale. D’abord partant pour prolonger l’aventure sur les bords de la Vilaine, le meneur de jeu corse a finalement opté pour Saint-Etienne, séduit par le discours de Jean-Louis Gasset mais pas que… « Rennes, ce qui m’a fait chier, c’est que je me suis battu pour aider le club à décrocher l’Europe, explique-t-il dans L’Équipe. On avait réussi à faire quelque chose de superbe (cinquième place européenne, N.D.L.R.). C’est dommage car je pense que j’aurais pu encore leur apporter, sur leur terrain et en dehors. Après, si Rennes n’a pas tout fait pour me garder, c’est qu’ils estiment qu’ils pouvaient avoir mieux que moi. À Saint-Étienne, j’ai eu le sentiment d’avoir des gens qui m’ont estimé à ma juste valeur. Je sortais d’une belle aventure et d’une belle Coupe du monde avec la Tunisie. J’estimais mériter un minimum de respect. La sortie de Létang ? J’ai trouvé ça maladroit plus qu’autre chose, car ça ne correspond pas à la réalité. D’autant que j’avais des possibilités plus avantageuses financièrement que l’ASSE. ». Quelques semaines plus tôt, le président avait ainsi donné sa version dans l’échec de la finalisation du transfert définitif du joueur, prêté par Sunderland, sur les Ondes de RMC : « La décision était la nôtre, parce que Wahbi souhaitait rester. Après il y a des considérations économiques, sans rentrer dans les détails. Mais on s’était fixé un cadre que j’ai souhaité que l’on respecte par rapport à notre budget, à l’équilibre du vestiaire. On a souhaité rester là-dessus. C’est nous qui avions la main parce que je peux vous assurer que Wahbi voulait vraiment rester. Ça a été une rencontre humaine fantastique parce que c’est quelqu’un de vraiment très, très bien. Après il a fait un autre choix, qui était plus économique, avec son départ à Saint-Etienne. Je parle souvent de respecter l’institution et c’était important de respecter ce cadre ». Chacun pourra se faire sa propre appréciation ou se vouer à l’une des deux versions, toujours est-il que l’ancien rennais a déjà autant marqué en une demi-saison dans le Forez qu’en une complète en Bretagne. De quoi donner quoiqu’il arrive quelques regrets bien légitimes !
Invaincus lors des derbies.
Un derby, ça ne se joue pas, ça se gagne ! Et encore mieux, ça ne se perd pas ! En 2018, le Stade Rennais aura été efficace sur ce plan-là, remportant deux des trois derbies disputés face au FC Nantes, et accrochant le nul à la Beaujoire. S’il avait débuté son histoire rennaise à Strasbourg, et qu’il la termina également face à cet adversaire, pour autant de défaites, Sabri Lamouchi s’était offert son premier succès à la tête de l’équipe en s’imposant en novembre face aux Canaris, grâce à un doublé de Khazri. En 2018, à Nantes, les Rennais bousculés en première période, surent attendre leur heure pour égaliser par James Lea-Siliki, frôlant en fin de partie. Pour la saison en cours, le SRFC a été accroché par son voisin en championnat, un but partout, dans l’avant dernière sortie de Sabri Lamouchi au Roazhon Park. Grenier ouvrit les hostilités avant une égalisation rapide de Sala dans un match assez terne, sans grandes émotions. Mêmes équipes, autres hommes et coupe de la Ligue en décembre pour le troisième volet, remporté en 1/8ème de finale de coupe de la ligue à quelques secondes du terme, sur une reprise victorieuse de la tête de Damien Da Silva, légèrement hors-jeu sur le coup. De quoi ajouter encore un peu plus de plaisir à avoir dominé les Ligériens sur l’ensemble de l’année.
Rennes assure au Groupama Stadium !
Décidemment, le Stade Rennais aime prendre ses aises du côté du Groupama Stadium. En déplacement à Lyon cette année, les Rennais ont à chaque fois réussit un tour de force avec deux victoires sur le même score, 0-2, dans deux contextes bien différents. Le premier, le Xxx Février, fut assez fou, avec un but en début de match signé Khazri puis un second en fin de partie pour se mettre à l’abri. Entre temps, les Rennais furent bousculés, chanceux, mais au final vainqueurs d’un match qui fut le point de lancement de la fusée « rouge et noire » vers l’Europe. Le second acte, disputé en décembre pour la première sortie de Julien Stéphan en tant que coach de l’équipe première, fut d’un tout autre calibre. Face à des Rhodaniens apathiques puis maladroits peu après la demi-heure de jeu, les Bretons ne loupèrent pas les occasions offertes, avec un but « Benarfesque » de toute beauté avant la pause puis une seconde réalisation de Jordan Siébatcheu dans la foulée sur un raid dont Ismaïla Sarr a le secret. Sonnés, les joueurs de Bruno Génésio ne reviendront plus et Julien Stéphan inscrira à la première ligne de son histoire chez les pros un succès de prestige dans une ville qui plait définitivement au Stade Rennais, vainqueur de trois de ses quatre dernières visites à Lyon.
Le retour en Europe.
Un stade blindé, une ambiance énorme, un tifo dans la lignée de ceux vus et admirés toute la saison et un adversaire, Montpellier, pouvant encore accrocher l’Europe au gré d’un énorme concours de circonstances. Tout était réuni au Roazhon Park pour faire une fête digne de l’événement : le retour en coupe d’Europe. Très vite, Adrien Hunou, l’homme de la fin de saison, lance les siens sur la bonne voie et ouvre le score. Pour autant, tout n’est pas simple et Montpellier ne tarde pas à égaliser, rendant le match tendu et très fermé. Le carton des bordelais à Metz annihile tout espoir pour les Héraultais d’accrocher la sixième place et les deux équipes, jusqu’au bout, se contentent d’un match nul confirmant la cinquième place bretonne et la belle saison montpelliéraine. A la 70’, le Roazhon Celtic Kop envoie déjà les confettis, rendant hommage à la série « Casa de Papel » par l’occasion. Au coup de sifflet final, Sabri Lamouchi est porté en triomphe par ses joueurs avant un tour d’honneur pour remercier tout le football brétillien au rendez-vous. Une belle soirée d’harmonie, avant des semaines plus compliquées pour le microcosme rennais. Le début de l’aventure européenne, mais aussi, sans doute, celui de la fin pour l’architecte du succès d’une saison, Sabri Lamouchi et ses « lieutenants » sur le terrain, Joris Gnagnon, Yoann Gourcuff et Wahbi Khazri.
Une humiliation pour débuter l’année…
Au milieu de tous ces bons souvenirs, rappelons-nous de deux soirées difficiles, avec de véritables chars d’assauts venus rouler sur un Stade Rennais trop limité pour pouvoir rivaliser et poser une résistance. Le PSG, non content d’avoir déjà gagné en championnat avant la trêve (1-4) se déplace au Roazhon Park en coupe de France, pour le compte des 32èmes de finale. Dans un stade clairsemé, Kylian Mbappé et ses copains font la misère aux Rennais et écrasent les Bretons, dont Maxwell a loué la qualité de l’accueil, six buts à un ! Un récital proche de la perfection avec des artistes aux rendez-vous, face à onze joueurs spectateurs impuissants du talent et de l’expression collective aboutie. Quelques semaines plus tard, en coupe de la Ligue, les Bretons feront un peu plus illusion, s’inclinant 2-3 non sans être revenu au score en fin de match (de 0-3 à 2-3) mais sortant en demi-finales de la coupe de la Ligue. Mieux, mais une défaite, malgré tout !
Adieux discrets pour Yoann Gourcuff.
On le sait, Sabri Lamouchi aurait aimé garder le joueur, pour lui conférer un statut « particulier » dans le vestiaire. Son vécu, son intelligence, la vision du jeu et le respect des plus jeunes, l’ancien lyonnais avait tout pour être un cadre important dans le groupe, tout en apportant sur quelques moments ici et là son expérience en fin de match. Le président Olivier Létang en a décidé autrement et c’est par la petite porte qu’est sorti « Yo », formé au club et dernier joueur XXL formé au SRFC, dans un anonymat presque total. Aujourd’hui à Dijon, où les pépins physiques continuent de réduire son temps de jeu à une misère, l’ancien international français et ex « nouveau Zizou » traîne sa peine et aurait mérité une toute autre fin de carrière, à n’en pas douter. Rentré en jeu lors du dernier match face à Montpellier, il n’a pas effectué ce soir-là d’adieux officiels mais était probablement déjà bien au courant de la fin de son « come-back » à la maison effectué sous les ordres de son père, il y a seulement deux ans. Une époque paraissant déjà si lointaine dont on essaiera de ne retenir que les rares moments de plénitude. Un très grand joueur aura démarré et terminé son parcours au haut niveau à Rennes : c’était Yoann Gourcuff.