L’arrivée ultra-médiatique d’Hatem Ben Arfa a presque relégué au second plan ce qui demeure probablement l’excellent coup du mercato rennais à effet immédiat. Arrivé au cœur du mois de juillet, Clément Grenier, ancien « nouveau Juninho » ou « nouveau Gourcuff », c’est selon, est surtout un nouveau joueur et un homme épanoui et serein au contact de la Bretagne !
C’est promis, nous vous éviterons les jeux de mots faciles et déjà faits jusqu’à l’usure avec le patronyme de notre bon Clément ! Le retour à la lumière de Clément Grenier, 27 ans, déjà entamé à Guingamp l’an passé, se confirme du côté du Roazhon Park. Hier aux oubliettes à Lyon, le milieu de terrain international savoure le simple plaisir d’être redevenu footballeur à temps complet, avec le bonus d’être parmi les joueurs les plus influents et importants de son équipe tout en laissant la sérieuse impression que le meilleur est à venir !
De Lyon à Guingamp, en passant par Rome
Un destin doré, c’est le minimum garanti à Clément Grenier au moment de ses premiers pas au centre de formation chez un Olympique Lyonnais alors dominateur sur la scène du football français. Arrivé en 2002 dans la pépinière des Gones, il a 11 ans et impressionne déjà, enchaînant les surclassements aux côtés des Lacazette et autres amis de promo. Très rapidement, il intègre la réserve pro puis, suite logique, rejoint l’équipe première en rentrant à 5 minutes de la fin d’une victoire à Gerland contre Toulouse (26 septembre 2009). Spectateur des succès à répétition entre 2002 et 2008 de son club formateur, il observe et s’inspire notamment d’un certain Juninho, notamment pour frapper les coups de pieds arrêtés. A l’époque, il déclare à footmercato.com : « Chacun a ses qualités propres et vouloir imiter tel ou tel joueur serait une erreur. Mais en ce qui concerne les coups de pied arrêtés, j’ai eu la chance d’assister régulièrement aux séances de Juninho quand j’étais au centre. Sur cet aspect-là, c’est vrai, je me suis inspiré de lui, car cela restera le meilleur tireur de coups francs de la planète ». Des coups-francs, Clément Grenier en marque quelques-uns (dont un fabuleux contre Rennes) bien après sa première réalisation en pro le 10 avril 2012 en demi-finale de la coupe de France, qu’il remporte quelques semaines plus tard pour son premier trophée en pros. Les médias, avides de fabriquer des stars à la va-vite, voient (trop) rapidement un nouveau maître artificier pour l’OL et font du jeune ardéchois une star avec la pression accompagnant le statut. Durant deux ans, Clément Grenier est l’une des pièces maîtresse d’une équipe rajeunie entre 2012 et 2014. Auteur de 109 matches sur cette période pour 15 buts et une vingtaine de passes décisives, Clément Grenier rejoint même l’équipe de France, pour laquelle il aurait dû disputer le mondial brésilien en 2014.
Malheureusement, les adducteurs le lâchent au plus mauvais moment et le milieu de terrain regarde les Bleus devant sa télé, avec une blessure qui le tiendra éloigné des terrains jusqu’au printemps suivant. Sa fin de saison est plutôt intéressante mais la poisse le poursuit, avec une nouvelle blessure en préparation face à Arsenal en juillet 2015. Diagnostic : rupture totale du quadriceps de la jambe gauche et quatre mois d’arrêt ! Peu à peu, l’OL perd confiance en son joueur et celui-ci est prêté à l’AS Rome en janvier 2016. Avec six petites apparitions seulement, il n’est pas conservé malgré des entrées intéressantes : « C’était très bien à Rome, j’en avais besoin et ça s’est bien passé, j’ai beaucoup appris. C’est une autre culture footballistique, une belle expérience pour moi, c’était mon premier départ de mon chez moi, j’apprenais. L’accueil était très bon là-bas, j’ai appris auprès d’un groupe avec des joueurs de talent, une très belle équipe. J’ai dû m’adapter rapidement pour comprendre les aspects tactiques du jeu ». Peu sensible aux acquis de l’ancien chouchou local, Bruno Génésio ne calcule pas Clément Grenier à son retour. Celui qui a prolongé de trois ans en 2014 devient personne non-grata à l’OL, sans que le club ne s’explique réellement. Pour le joueur c’en est trop, comme il l’exprime franchement dans le Canal Football Club : « J’en ai marre. Je suis ambitieux, je n’ai que vingt-six ans et je sais que j’ai encore de l’avenir. A Lyon, je constate que tout le monde au milieu de terrain a eu sa chance au moins une fois en commençant un match, moi ça fait très longtemps que je n’ai pas eu cette chance-là ». Sans écho à cet appel, le joueur termine son histoire dans le Rhône dans l’anonymat, prenant une porte de sortie inattendue fin janvier 2018 pour rejoindre Guingamp fin janvier 2018 : « Je ne sais pas pour quelle raison exactement je n’ai plus eu ma chance à Lyon. Je regrette que ça se soit terminé comme ça, en jouant peu, mais ça restera une page importante de ma carrière ».
La Bretagne comme élixir ?
En Bretagne, Clément Grenier retrouve le plaisir simple du jeu, ainsi que son ancien coéquipier et grand pote Jimmy Briand. Alors que des propositions plus lucratives émanait de l’étranger, l’ancien Bleu choisi le challenge sportif et participe fortement à la très belle seconde partie de saison guingampaise. Retrouvé, efficace et capable d’enchaîner les matches sans le moindre pépin, Clément Grenier revit : 15 matches disputés, 5 buts et 4 passes décisives. Conformément à un accord mutuel autorisant un départ l’été venu si tout le monde s’y retrouve, Clément Grenier choisi ensuite de rester en Bretagne, à une centaine de kilomètres au sud de la petite contrée costarmoricaine. Un transfert estimé à 4 M€ vient ravir l’En Avant tandis que le joueur lui, s’engage pour quatre saisons avec le tout frais qualifié européen rennais. En conférence de presse, l’Ardéchois explique : « Le projet présenté, les valeurs du club, l’ambition que tout le monde a ici m’ont permis de choisir et d’arriver dans un contexte qui me plait énormément. J’ai eu des sollicitations extérieures, mais ce projet m’a tout de suite plu, voilà pourquoi je suis venu rejoindre l’équipe. Je voulais continuer mon chemin, ma progression, atteindre mes objectifs, la coupe d’Europe a aussi fait pencher la balance, mais comme c’était le cas pour les autres clubs qui me sollicitaient. Des potes passés par le Stade Rennais m’ont toujours dit du bien du club, des grands joueurs ont été de passage ici ou y ont été formés ».
Depuis août, Sabri Lamouchi a confié les clés de l’entrejeu à l’ancien lyonnais. Au départ utilisé en soutien des attaquants, Clément Grenier a reculé au fil des matches, au point de descendre aujourd’hui au poste de sentinelle, orphelin du départ de Sanjin Prcic. La qualité de passe longue, la vision du jeu, la capacité de frapper de loin et à penser le jeu sont autant d’arguments recevables pour ce nouveau positionnement, à condition que l’animation, plus haut sur le terrain, soit au diapason… Pour l’instant peu en réussite sur les coup-francs et corners, on sent le meilleur de Clément Grenier arriver, crescendo. Trop bas sur le terrain pour être décisif dans la surface, le meneur de jeu reculé rennais, à la Pirlo oseront certains, a tout de même déjà inscrit deux beaux buts mais prouvant que les sensations sont là. Rejoint par un autre ancien lyonnais et international A, Hatem Ben Arfa, le numéro 8 rennais est serein sur la suite de la saison rennaise, démarrée de manière irrégulière : « Nous n’étions pas récompensés de nos efforts. A Monaco, nous avons été moins beaux dans le jeu mais nous avons été un peu plus efficaces ». Souvent qualifié de joueur « beau à voir », Clément Grenier l’Ardéchois apparait en « rouge et noir » dans la force de l’âge, capable de bonifier le jeu de son équipe et d’amener son expérience du plus haut niveau comme de se mettre « minable » pour le bien du collectif. Qu’on se le dise, la Bretagne, ça le gagne !
Julien Bouguerra