Tomas Koubek, reflet d’une année contrastée

Difficile de trouver une meilleure illustration de l’ascenseur émotionnel. D’août à juin, Tomas Koubek aura connu une saison pleine de contrastes, de déceptions, de joies immenses, d’instants euphoriques comme dramatiques. Retour sur une saison pas comme les autres pour le géant tchèque.

Les mots sont posés, touchants et rappellent la futilité du football, quelques jours après la victoire en finale de la coupe de France du Stade Rennais. Sur son compte Facebook, comme il en a l’habitude, le numéro 40 rennais ouvre son cœur : « Ma joie a été brutalement anéantie par le message que j’ai reçu lundi dernier dans la matinée et qui me fait toujours très mal. Mon ami proche, Josef Šural est décédé dans un accident de voiture en Turquie. C’est le mec avec lequel j’avais joué en équipe à Sparta pendant presque deux saisons et avec lequel j’ai partagé les chambres d’hôtel avant les matchs.  Hélas, il n’y a rien qui pourrait diminuer la douleur que je ressens. Les matchs perdus, les victoires, les trophées, l’argent sont absolument insignifiants par rapport à la bonne santé des membres de la famille ou la vie d’un ami. Mon premier trophée sera pour toujours lié à toi, mon ami. Je ne t’oublierai jamais ». Dur. Passer d’une coupe de France et d’un sprint fou sur la pelouse du stade de France à la perte de son ami et compagnon de « l’aventure foot », Josef Sural, 28 ans, décédé dans un tragique accident de bus en Turquie, tel fut le brutal après-sacre rennais dans une année où rien ou presque n’aura été épargné à Tomas Koubek. Tantôt adulé, tantôt critiqué, un coup titulaire, un coup sur le banc, il ne fait toujours pas, pour sa troisième saison en Bretagne, l’unanimité… Le voici aujourd’hui face à un futur clairsemé d’incertitudes !

Des chiffres qui posent question

A l’image de la société, le football ne résiste pas à la mode consistant à faire passer au premier plan chiffres et « rentabilité » dès que l’on parle d’un joueur, qu’il soit avant-centre ou gardien. A ce petit jeu-là, l’international ne déroge pas à la règle et accuse un bilan compliqué, tant dans les performances que dans les soubresauts de sa popularité en interne et en externe. S’il gère plutôt bien ses relations publiques, avec une présence parfaitement maîtrisée sur les réseaux sociaux et une vraie communauté l’accompagnant positivement, le gardien, arrivé en août 2017 en provenance du Sparta Prague, n’a pas fait preuve d’une régularité apte à clore les débats. Remis en cause sous Sabri Lamouchi puis avec Julien Stéphan, ses chiffres sont mitigés. Il cumule ainsi 33 matches en Ligue 1 avec 48 buts encaissés, soit une moyenne de 1.45 but par match. Avec 174 ballons captés et détournés (126+48), il ne figure qu’au quatorzième rang des gardiens de Ligue 1, très loin derrière Brice Samba (287), Paul Bernardoni (254), Ludovic Butelle (253), ou encore le trio Edouard Mendy (253), Matz Selz  (252) et Benjamin Lecomte (245). Une statistique qui ne peut être imputée à elle seule au gardien rennais, qui n’a pas toujours trouvé le soutien de ses coéquipiers pour performer et que l’on sent toujours aussi fébrile dans les sorties aériennes depuis le départ de Joris Gnagnon, véritable mirador l’an passé dans les airs. Pour preuve, Abdoulaye Diallo, appelé en fin d’année dernière pour le remplacer, ne fit pas mieux… La lecture des chiffres, on le constate, ne plaide donc pas pour l’international tchèque mais pourtant, ne nous arrêtons pas à ces constats comptables ! En coupe de France, le gardien rennais est le grand artisan de l’épopée des siens. Il a commencé par qualifier à lui seul ou presque l’équipe face à Brest, un triste après-midi de janvier aux tirs aux buts, détournant deux tentatives ! Face à Lille, il fut aussi décisif tout comme à Lyon en fin de match. Et que dire de sa finale, où il empêcha le PSG de s’envoler définitivement au plus fort de la domination du champion de France, tout en faisant le boulot jusqu’aux tirs aux buts ! 

Homme attachant et abordable, toujours disponible pour la presse comme pour les supporters, Tomas Koubek n’est ni Petr Cech, à qui il fut comparé à son arrivée, ni le dernier venu parmi les gardiens de Ligue 1. Ses qualités athlétiques, son envergure, ses étonnants réflexes sur sa ligne lui confèrent de vrais atouts mais sa propension à sortir avec un timing parfois douteux, ou à rester scotché sur sa ligne, notamment sur les coups de pieds arrêtés, ouvrent le débat. Le Stade Rennais, pour continuer sa progression, doit-il envisager de recruter un nouveau gardien d’un niveau supérieur ? Lui se détache des mots de chacun, des rumeurs, des défiances et reste focalisé sur son métier, ses axes de progression et son envie de s’améliorer, jour après jour. Son travail du quotidien aux côtés d’Olivier Sorin et de ses compères gardiens de buts est sérieux, investi. A l’image de son équipe, ses creux ont crevé les écrans comme ses éclats l’ont sublimé au plus haut point. La vérité se trouve probablement entre les deux, avec des perspectives d’évolution vers une régularité au plus haut niveau concrète, à condition de gagner en régularité et en sécurité dans les actions entreprises. 

Au soir du 24 mai, quand fut venue l’heure de conclure une saison longue et éprouvante, Tomas Koubek avait retrouvé une partie de son sourire avec, dans un coin de la tête, un petit coin de soleil et l’envie de vacances bien méritées. De l’autre, déjà, l’ambition et la détermination de se remettre au travail fin juin pour confirmer en Ligue 1 et en Europa Ligue ses qualités et son potentiel.  Avec une qualification pour l’Euro 2020 en ligne de mire avec la République Tchèque, l’année s’annonce décisive et pourrait lancer pour de bon la carrière du géant de Hradec Kralove, au moment où, comme un symbole, la légende Petr Cech boucle son histoire légendaire en Premier League. Plus question de prendre de gant, à Tomas Koubek d’écrire la sienne, à Rennes ou ailleurs. Demain, c’est maintenant ! 

Julien Bouguerra